De "Juno" à "Smashed" sans éviter l'excellent "Little Miss Sunshine", le cinéma indépendant américain a connu récemment de très beaux jours. La recette miracle fonctionne toujours à merveille. Mise en scène épurée, personnages attachants, chouette musique et surtout des histoires de vies touchantes. Mais il faut admettre que ce rouage peut facilement s'enrayer et devenir extrêmement lassant. C'est d'ailleurs l’inquiétude que peut laisser les premières secondes de ce film.
Ouverture classique sur un dialogue en fond sonore d'un écran encore vide. Ces tout premiers instants un peu classiques sont les seuls qui soient bancals. Du reste, "States of Grace" livre une histoire bouleversante et touchante sur un ton drôle. Un humour cynique délicieux porté par des personnages pleins de vie.
La sensibilité de Grace, le dynamisme de Mason, la maladresse de Natte, la fragilité de Jayden, la réserve de Marcus, la folie Sammy sont très justement marqués dans l'écriture et l'interprétation. Tout ces traits de caractère nourrissent une singularité du récit et nous apportent un flot d'émotions. On s'attache très rapidement aux personnages.
Raconter la vie au sein d'un Centre de Détention pour Mineurs peut permettre d'aborder beaucoup de problématiques et de relations passionnantes. "States of Grace" se focalise sur les échanges entre les animateurs du centre et les jeunes. Cela permet de traiter avec bonté la question de ce qu'il y a après le passage dans ce centre.
Dans les difficultés que rencontrent le couple Grace-Mason et leurs vécus, l'étroite relation entre les usagers et leurs encadrants est d'avantage liées. On sent immédiatement une certaine fraternité régner.
Le contexte dans lequel nous plonge "States of Grace" se construit progressivement et subtilement. L'écriture et la mise en scène réussissent à nous surprendre avec finesse autant qu'elle nous dévoile petit à petit les éléments précis du récit. Le film ne perd pas temps pour amuser. Après avoir écouté attentivement une drôle d'anecdote on est surpris une première fois par l'irruption de Sammy. Pour ceux qui sont interrompus dans leur potins cela semble habituel, presque rituel, de courir après cet ado à moitie nu et apparemment complètement paumé. Malgré l'alarme de cette scène précise, la suivante nous prend encore de court en dévoilant l'intérieur de la façade calme vue jusque là. Contre-pied très juste qui lance une suite d’enchaînements parfaitement cadencés.
C'est toute la force de "States of Grace" de ne jamais appuyer ses effets et son propos. A l'image de leurs rôles principaux, le scénario contourne le fait qu'il soit implanté dans un Centre de Détention pour Mineurs. C'est le rôle des animateurs d'éviter aux jeunes de ce sentir séquestrés et privés de liberté, celui du film de ne pas enfermer le spectateur dans une ambiance glauque et fataliste. D'où la focalisation du récit sur ce petit cercle. On ne voit que très peu le directeur du centre, pratiquement pas du tout les parents des détenus et jamais le reste du personnel ou autres personnes liées au lieu. Cela nous conforte dans un échange purement constructif. Dans un rôle un peu de grands frères, les quatre encadrants ont une relation qui laisse parfois place à la légèreté avec ces ados en difficulté. Ils semblent tous avoir un passé chargé qui résonne comme une légitimé dans la discussion avec eux.
Un seul des personnages ne partage pas cette collégialité de la cicatrice. Natte commet pour commencer une bévue magistrale. Il se présente en se disant honoré d'aller sur le terrain auprès de "jeunes défavorisés". Évidement cela créer un fossé et souligne un conflit générationnel mais surtout culturel. Toutes ces bourdes sont aussi consternantes que touchantes. Une naïveté très humaine.
Chacun des personnages apporte un moment de grâce, mais c'est bien le rôle titre qui illumine massivement "States of Grace". Brie Larson est absolument bluffante tant elle est crédible dans la peau de cette meneuse de foyer pour adolescents en difficulté. Rôle pourtant à mille lieux de ses débuts dans l'excellente série United States of Tara ou son apparition plus récente dans Don Jon (où elle arrivait à se démarquer dans un film moyen et une exposition plus que minime). Elle est une fiancée fabuleuse et une grande sœur géniale. Du haut de ses 24 ans, elle fait croire très fort aux milles vies de son rôle. Elle dévoile les failles de son personnage avec une superbe spontanéité. Sa relation avec son alter-ego benjamine, Jayden, est fascinante. Cette complicité se développe graduellement et symbolise le bienfait mutuel de cette rencontre. Grace fait preuve de bienveillance envers chacun néanmoins et cela se voit et se ressent.
"Short Term 12", le titre original, qui se traduit par "court terme" est très adapté à ce que le film raconte. Le passage des usagers doit être court dans ce centre, au maximum éducatif et remède à la récidive. Une solution brève pour rebâtir un avenir à des jeunes en perdition. Cela dit, une fois n'est pas coutume, les distributeurs français ont choisit un titre plutôt très juste. Il est de bonne augure de mettre en valeur le prénom très bien porté par le personnage de Brie Larson. Les états de Grace sont effectivement conséquents. On aurait pu même rajouter un trait d'union à cela. Brie Larson présidente des "United States of Grace".
Avec un premier film brillant, Destin Cretton s'en offre un sacrément prometteur.