La conversation sur laquelle débute le film en dit toutes les grâces : spontanée, drôle, vivante, doublée d’une incursion violente du quotidien des éducateurs, elle met en place un univers touchant et authentique.
Parcours de portraits parfois elliptiques, c’est dans ses scènes les plus collectives que States of Grace parvient à émouvoir le plus. La jeunesse brisée échouée dans ce refuge y construit patiemment les ébauches d’une vie normale. L’humanité des éducateurs à leur contact fonctionne, et les maladresses du nouveau venu parviennent à exprimer cet équilibre précaire entre complicité, écoute et autorité qui fait leur talent.
Le sujet central du film, la relation de Grace, éducatrice, avec Jayden, nouvelle arrivante la renvoyant à son passé traumatique, n’est pas sans lourdeur. A un stade de sa vie où elle doit franchir le pas pour devenir une véritable adulte, Grace tâtonne et laisse ses démons ressurgir.
L’idée selon laquelle on à apprendre de ceux qu’on éduque est certes séduisante, mais ici un peu trop didactique et soulignée. Le récit s’embarrasse de ficelles grossières et d’excès à la limite du crédible, particulièrement au sein d’un film aux prétentions aussi naturalistes.
Dans ces histoires d’amour où les brisures du passé empêchent de jouir d’un présent plus clément, on retiendra donc surtout les marges du drame, et plutôt que la crise du couple, son quotidien comme la scène où chacun fait le portait de l’autre. La façon, aussi, de craquer progressivement le vernis de l’ironie et de la pose de ces jeunes adultes pour atteindre une vérité plus fragile.
Celle-ci se dévoile par des détours qui nourrissent les séquences les plus intenses du film, à l’image de ce rap chanté par un pensionnaire, bile crachée avec majesté et une sincérité propre à faire oublier les petites maladresses de la trame générale.