L'affaire Stavisky est l'un des plus gros scandales de l'Entre-Deux guerres, surtout par sa mort maquillée en suicide en 1934 qui a eu de profondes implications politiques. Alain Resnais choisit de s'écarter volontairement du traitement historique, politique et social avec ses conséquences, pour adopter une sorte de biopic de l'escroc un peu entre Arsène Lupin et Fantomas, en démontrant les mécaniques d'une société qui apprivoise l'individu et qui une fois qu'elle n'en a plus besoin, le supprime. On lui a reproché cette approche, ce qui explique sans doute l'échec du film.
Au lieu d'adopter une structure narrative classique comme un portrait normal, Resnais éclate son récit en moments non chronologiques, procédé qui a beaucoup surpris en 1974, c'était nouveau alors qu'aujourd'hui, nombre de films débutent par la fin et adoptent une narration en puzzle. Alors imaginez l'ado que j'étais et ma déception de voir Belmondo dont je suivais tous les films, dans un film sans cascades, on était loin de Peur sur la ville, le Casse ou le Magnifique... mais avec les années, j'ai appris à voir ce film sous un angle différent, même si l'aspect statique et un peu plat par endroits m'ennuie un peu, après tout, on est chez Resnais.
D'autre part, le film s'écarte du côté documentaire qui rapporte les faits, c'est une approche plus émotionnelle et plus humaine qui s'intéresse à l'image de Stavisky en donnant de lui un portrait assez flatteur et de charmeur auquel Belmondo n'est pas étranger par son jeu désinvolte et brillant, même s'il est loin de ressembler à son modèle qui était moins séducteur.
Je trouve cependant courageux de la part d'une star du gabarit de Belmondo qui occupait à l'époque une place confortable grâce à des succès commerciaux, de se retrouver chez Resnais ; il avait déjà pris ce risque dans L'Héritier de Labro, film anticommercial qui n'avait pas marché non plus.
Film mal reçu et certainement mal compris, Stavisky brille par son côté esthétique remarquable, la direction artistique a réussi une reconstitution soignée et minutieuse des années 30, Anny Duperey arbore des tenues élégantes merveilleuses, les décors sont luxueux, Belmondo est bien entouré par de grands acteurs comme François Périer, Claude Rich, Michel Lonsdale ou Charles Boyer revenu en France exceptionnellement, bref c'est un film avec un bel enrobage et au contenu un peu barbant par moments, mais à l'ambiance fascinante.