Parfois on rentre une galette dans le mange-disque complètement au hasard. Par curiosité ou par flemme. Souvent, très souvent même, on oubliera le film le lendemain. Mais de rares fois, il peut arriver qu'on tombe donc sur quelque chose de singulier et atypique comme ce Stay.
Le film de Marc Forster commence donc comme un long des plus classiques. Henry Letham (Ryan Gosling) est un jeune étudiant aux Beaux-Arts complètement névrosé et qui a décidé de se suicider le jour de ses 21 ans. Son psy, le Dr Foster (Erwan McGregor), particulièrement sensible au cas du jeune homme puisqu'il a lui-même sauver du suicide sa compagne (Naomi Watts), va tout faire pour l'en empêcher. Si l'interprétation est bonne, et tout particulièrement le personnage de Ryan Gosling bien écrit, le film se laisse regarder gentiment sans non plus passionner. Mais de minutes en minutes, de séquences en séquences, le scénario et la mise en scène s'embarque doucement sur une pente de plus en plus étrange et onirique. Des figurants qu'on compte en double parfait en arrières plans, des montages plans-sur-plans subtilement perceptibles, des récurrences d'accessoires et de décors sans liens visibles entre eux, des cadres déséquilibrés ou parfaitement symétriques... Si comme moi on ne connait pas du tout le travail de Marc Forster, on peut alors penser que le metteur en scène semble facilement céder à la mode du film d'inspiration « Lynchienne » sans pour autant en avoir le talent et la verve.
Car c'est bien cette montée de l'abstraction, ce parti-pris très graphique et ce ton prétentieux très « arty » dans la réalisation qui risque d'en énerver plus d'un. Je me serais avec plaisir rallier à cette cause si tant est que le film n'avait aucune justification scénaristique à ce déluge d'effets de style. Oui mais voilà, comme d'autres films qui divisent (Southland Tales, The Fountain...) Stay prend tout son sens une fois le générique défilant devant les yeux.
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Attention ça spoile sévère à partir de maintenant, vous êtes prévenus !!!
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Le film commençait par une séquence subjective d'un violent accident de la route. On découvrait alors le personnage de Ryan Gossling à genoux, visiblement choqué par ce qu'il venait de subir. La séquence finale reprend là où cette dernière se terminait. Ryan Gossling est à terre, visiblement éjecté de la voiture accidenté. Tous les personnages, principaux ou secondaires du film sont autours de lui, tentant de lui porter secours. Notamment un médecin (Erwan McGregor) et une infirmière (Naomi Watts). Par le subtil jeu de vue subjective, certains décors, certains éléments de détails récurrents se retrouvent dans le champ de vision du personnage. Les noms, les visages croisés depuis une heure et demie semble tous se donner rendez-vous et font naitre la genèse du récit plutôt psychédélique auquel on vient d'assister. On pense forcément à Usual Suspects et à son final retraçant lui aussi tout le script du film.
Remonte alors une foule de détails et d'éléments du scénario dans l'esprit du spectateur. Des éléments qui au premier abord pouvaient apparaître comme totalement superflus et incompréhensibles (les peintures de Naomi Watts, les parents ressuscités...), prennent d'un seul coup toute leur justification en quelques minutes. Tout en illustrant parfaitement la liberté que peut avoir l'esprit humain lorsqu'il est en liberté et que de façon autonome il puisse créer des liens entre les stimulis extérieurs dont il est l'objet.
Beaucoup trouveront néanmoins l'entreprise totalement malhonnête, prétentieuse et faussement créative. Surtout ceux allergiques donc aux twists finaux surprenants. Pour ma part, le générique ne me donna qu'une envie, relancer le tout à la lumière de cette caution scénaristique.