Après un développement chaotique, Steve Jobs, dont le scénario a été écrit par Aaron Sorkin, arrive enfin au cinéma. Présenté comme un « Anti-Biopic » par son réalisateur (Danny Boyle) et son scénariste, Steve Jobs déjoue habillement les pièges du genre et glisse doucement vers ce qu’on pourrait qualifier d’œuvre inclassable. C’est une sorte de Biopic auquel on aurait retiré tous les cotés exaspérants mais pourtant nécessaires du genre. Le parti pris du scénariste est de montrer les quelques minutes qui précédent le lancement de trois produits estampillés Steve Jobs. Trois produits, trois lancements, trois actes. Nous sommes ici à la limite de la pièce de théâtre étant donné que le film se déroule en temps réel (excepté quelques flash-back), c’est d’ailleurs ce parti pris qui a permis à Sorkin de s’éloigner du Biopic traditionnel. Dans la réalité, il est fort peu probable que les quelques minutes précédant le lancement de ces trois produits aient été assez intéressantes, assez bouleversantes pour en faire en film. Sorkin a donc été contraint de condenser certains éléments de la vie de Steve Jobs, d’en modifier certains et d’en passer sous silence un bon nombre. L’idée n’était pas de « mettre en image la page Wikipédia de Steve Jobs », mais bel et bien de montrer l’homme caché derrière le génie de la pomme croquée.
Entre nous, c’est d’ailleurs beaucoup plus intéressant comme ça. Steve Jobs repose essentiellement sur son scénario, sur ses dialogues, sur ses répliques qui s’enchainent à un rythme effréné. C’est la marque de fabrique d’Aaron Sorkin : écrire des personnages intelligents qui se lancent punchlines sur punchlines, de véritables montagnes russes. Steve Jobs est bien souvent comparé à The Social Network, le sublime film de David Fincher dont Sorkin est le scénariste, qui racontait comment Mark Zuckerberg a créé Facebook. La volonté de révéler la complexité de l’homme derrière le génie est en effet la même, mais Fincher, lui, s’est servi du magnifique scénario de Sorkin comme un tremplin et à réussi à amener le film dans une dimension encore plus intéressante. Il suffit de regarder le travail qui a été fait sur la réalisation ou sur le montage par exemple. Sur Steve Jobs en revanche, Danny Boyle semble être resté en retrait, s’appuyant sans doute un peu trop sur le scénario et oubliant de lui insuffler une perspective personnelle. Il y a certes quelques passages visuellement intéressants mais Danny Boyle ne transcende que trop rarement le scénario et se contente, la plupart du temps, de mettre en image le script le plus simplement possible. Il faut tout de même relativiser, le scénario d’Aaron Sorkin étant fabuleux, le résultat final est loin d’être décevant. Les acteurs n’y sont d’ailleurs pas pour rien : ils sont tout bonnement impressionnants, Michael Fassbender en tête. L’acteur Allemand nous fait découvrir un Steve Jobs perfectionniste, cruel, humain et manipulateur qui est véritablement passionnant à regarder. En bref, je trouve que Steve Jobs aurait pu être un chef d’œuvre mais qu’il se contente d’être qu’un très bon film. Non, je ne chipote pas.
Mon avis complet sur le Coin du Cinéphile :
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