"Mais raisonnement c'est que tout le monde a un idéal, il y a donc quelque chose de plus important que tout le monde n'a pas. Je suis sûr par exemple que Dieu n'a pas d'idéal. Il y a une phrase très très belle... de qui est-elle ? Je crois qu'elle est de Lénine. "L'éthique c'est l'esthétique de l'avenir" Je trouve cette phrase très belle et très émouvante aussi. Elle réconcilie la droite et la gauche..."
Honnêtement je n'y croyais pas... Je n'avais pas vu Jobs et je me fous un peu de sa vie (même si dans ma prime jeunesse je pensais qu'Apple c'était génial (quelle aliénation)), alors je ne sais pas si ce que j'ai vu est la réalité de la vie de Jobs, honnêtement je ne le crois pas, cependant j'ai aimé ce que j'ai vu malgré un défaut majeur qui est aussi la principale qualité du film.
Le film est découpé en trois parties, chaque partie se déroule en temps réel et ça c'est brillant, on évite toutes les conneries des biopics de manière générale. On suit Steve Jobs à trois moments de sa vie, avant trois lancements. Je trouve l'idée juste géniale. Surtout que Sorkin arrive à tout mettre, tout ce qui est important sur Jobs, parfois même un peu trop (c'est la limite du truc mais j'y reviendrai). Dans un biopic on n'a pas besoin de voir toute la vie de la personne, son enfance, etc. Je vois bien un autre réalisateur s'attarder pendant mille ans sur l'enfance sans père, faire de la psychologie de bazar, etc. Là c'est mentionné, on en parle, mais tout le monde sait de quoi il parle, on ne fait pas réellement de rappels lourds, ce qui rend le film ultra fluide, créant ainsi une sorte d'énergie qui ne s'arrête jamais.
Alors c'est ça le défaut du film, c'est que Sorkin a mis trop de trucs. Si j'aime le côté microcosme du film, avant chaque lancement de produit Jobs retrouve les mêmes personnages, à chaque fois, ce microcosme fait de ce film quelque chose d'irréel, ce n'est pas la réalité ça, la vie n'a pas de sens, il n'y a ni progrès, ni retours en arrière, tout ça sont des interprétations morales. Donner comme ça une sorte de sens à la vie de Steve Jobs dans ses relations avec les autres c'est quelque part nier la vie et ce qui fait sa spécificité.
Cependant si on accepte ce postulat, c'est bien fait, il n'y a rien à redire, même les flashbacks (qui sont peut-être quand même en trop) sont bien intégrés car ils ne sont pas forcément là juste pour expliquer mais viennent dans leur intégration à la narration et par le montage rajouter encore du dynamisme.
J'ai trouvé le film assez touchant avec la relation père fille, assez juste, sachant enlever la musique lorsque c'était nécessaire (après personnellement j'en aurai pas mis du tout et je pense que ça aurait été encore mieux). On peut reprocher un peu le symbolisme de la fin, je trouve ça assez réussi malgré tout. Mais bon c'est Danny Boyle qui réalise, faut faire avec et c'est pas le type le plus sobre du monde (ce qui d'ailleurs a déjà pu le desservir par le passé).
Si j'avais peur du projet c'était pour ça, que Boyle face un petit film à Oscar assez minable avec un Fassbender qui en fait des caisses pour avoir une belle statuette et je le trouve plutôt lui-même, disons qu'il ne cherche pas à modifier sa voix, son apparence, même à la fin lorsque Jobs a l'allure qu'on connaît tous, ça reste le même avec juste des cheveux gris et un col roulé. Kate Winslet est un peu la force du film, on la voit courir à droite à gauche, être dévouée et malgré sa coupe de cheveux ignoble au début son personnage fonctionne.
Par contre Seth Rogen est un vampire... en 15 ans il ne vieillit pas (et a sciemment décidé de copier mon apparence, j'espère avoir toujours la même temps dans 15 ans moi aussi, sans rides).
Le personnage de Jobs est assez intéressant, pas manichéen, on est loin d'avoir un génie en face de nous (pas même un génie qui semble souffrir d'une forme d'autisme comme c'était le cas dans The Social Network). on a un type arrogant, sûr de lui, calculateur et qui pourtant a ses faiblesses, qui n'a aucun réel talent en informatique, en design... Mais un type qui a une vision et qui s'y tient, peu importe ce que peuvent penser les autres et j'aime ça. Ils ont fait de Jobs un vrai personnage de cinéma. Et je ne peux que mentionner à nouveau sa relation très ambigüe avec sa fille que je trouve bien écrite (même si ça devient presque niais sur la fin).
C'est un film qui fourmille d'idées, qui évolue en terme de photographie selon les époques, à la mise en scène dynamique. D'ailleurs j'avoue avoir pensé à Birdman... et je me dis que chaque lancement aurait pu être un plan séquence... ça l'aurait fait.
Par contre je pense que vouloir absolument caser sa vie dans chaque période, bien que ça fonctionne était une erreur et qu'on aurait juste pu voir Fassbender s'engueuler avec Winslet pendant 45 minutes à chaque fois sur ceci ou cela, sur tel ou tel détail technique et ça aurait été parfait. Parce que contrairement à the Social Network ici le film ne met pas réellement dans un quotidien plausible de Jobs, ça fait un peu théâtre... Et on n'a pas tous les petits détails techniques qui peuvent parfois être réellement excitants dans les scénarios de Sorkin.