Grand amateur d'automobile, Steve McQueen voulait depuis longtemps faire un film qui restitue au mieux le risque et le frisson qu'on a au volant de grosses cylindrées.
Après avoir été vexé que Grand Prix, de John Frankenheimer, ait été réalisé sans lui, il va s'investir corps et âme dans un film basé sur les fameux 24 heures du Mans, via sa société de production.
Le documentaire raconte comment faire ce film a été un chemin de croix pour l'acteur, qui en ressortira lessivé, dégoûté, au point qu'il ne conduira plus de grosses voitures après le tournage.
Il y a tout d'abord le refus des assurances de laisser conduire Steve McQueen durant la véritable compétition, ce qu'il ne lui laissera que des plans de coupes aux stands et d'autres plans dans sa voiture mais qui ne constituent pas un danger en soi.
Ensuite, le conflit qu'il a eu avec John Sturges, le premier réalisateur engagé, où le rapport de force n'était clairement pas en faveur du réalisateur, lequel tournait à vue. D'ailleurs, il sera viré pour être remplacé par Lee H. Katzin, un réalisateur plus malléable.
Ce qui permet de parler du véritable point faible du film ; l'absence totale de scénario, y compris durant le tournage, où les quelques scènes avec Louise Edlind ne sont qu'un prétexte futile. Dans le film, ça se sent fortement qu'il est presque à percevoir comme un documentaire sur une époque, un peu comme ce que Polanski fera plus tard avec Weekend of a champion.
Le gros point fort de ce documentaire est de proposer une somme incroyable d'archives, pour la plupart jamais diffusées depuis, qui montrent bien l'enfer qu'a du être le tournage et l'omniprésence de Steve McQueen sur le plateau. On y voit des rushs, et bien évidemment, des plans saisissants sur la manière de filmer la vitesse sur la piste avec notamment cette voiture qui embarque trois caméras afin de donner encore plus la sensation d'y être.
Quant aux intervenants, ils sont très nombreux, avec la première épouse de Steve McQueen (ils divorceront d'ailleurs en plein tournage, ce qui affectera encore plus l'acteur), son fils (qui est devenu pilote de course), l'assistant réalisateur, le premier réalisateur, et plusieurs pilotes qui ont participé au tournage, dont certains l'ont payé cher, à l'image de Derek Bell qui a été brûlé partiellement au visage, et David Piper, qui a été amputé d'une jambe à la suite d'une collision.
Steve McQueen est également présent via de nombreuses archives, dont un entretien audio, enregistré peu avant sa disparition, qui fait le fil rouge du documentaire, qui revient sur l'enfer qu'a été pour lui le tournage. Ça été presque pour lui comme une catharsis car après Le Mans, il abandonnera sa passion pour le sport automobile ; sans doute avait-il vu la mort d'un peu trop près...
Bien que ce documentaire ne fasse pas de cadeaux à Steve McQueen, plusieurs choses y sont tout de même absentes, comme la carrière du film en salles, qui a été mitigée, et la partie technique notamment le montage ou la bande originale de Michel Legrand.
Enfin, il y a également d'autres archives, qui sont périphériques à l'époque, qui peuvent bien expliquer le comportement paranoïaque de l'acteur qu'il avait à l'écran, comme l'arrestation de Charles Manson (il était sur une liste de ses futures victimes), et la libération sexuelle qu'il a pleinement vécu, et conduit à son divorce.
Le Mans n'est pas un film que je raffole de par l'absence de son scénario. Mais j'admets qu'il est saisissant de par sa façon de capter la sensation de vitesse. Ce documentaire peut être vu comme un complément idéal au film, et comprendre comment une œuvre peut avoir une gestation douloureuse.