Une succession de plans séquences fixes, articulés en trois chapitres, filmés dans un noir et blanc profond et contrasté. Dans une Amérique miteuse et morose, trois personnages qui s'ennuient se mettent en quête d'hypothétiques beaux lendemains. C'est ça, l'American Dream de Jarmusch. Ca pourrait être chiant à mourir, ou pompeux, ou superficiel, ou trop proche de l'exercice de style. Il n'en est rien : c'est acerbe et vivant et parfois proche du burlesque et souvent cruellement ironique (à la fin notamment).
1984 et on reconnait déjà, et plus que jamais, la Jarmusch touch. Un cinéma qui ne va jamais vraiment où la logique devrait l'amener, un road-movie clos, où New-York n'est plus qu'un appartement sinistre, où la Floride n'a rien du sea, sex & sun promis. Tout se joue dans les dialogues: réalistes, incisifs, et drôles. Car, comme dans toute satire qui se respecte, on rit, mais on rit jaune (ou noir). Du lol désenchanté en somme.
Synthèse tragi-comique des désillusions engendrées par la fameuse terre promise, Stranger Than Paradise ne s'apitoie jamais sur lui-même, bien au contraire, et sans jamais grossièrement forcer les traits qu'il expose, nous laisse avec une impression étrange : le goût des espérances amères.