L'envie est grande de lister ces films d'horreur bien dégueulasses, qu'ils aient des inclinations comiques ou au contraire un peu plus sérieuses. Le berceau des années 80 a vu naître beaucoup de films dans ce registre, dont j'apprends l'existence d'une dénomination : des "melt movies", figure très imagée puisqu'il est question dans "Street Trash" d'une mystérieuse boisson, découverte par un tenancier de liquor store de Brooklyn, qui une fois ingérée fait subir des transformations particulièrement gores à de pauvres clochards. Instinctivement je pense à "C.H.U.D." (1984), "The Stuff" (1985), voire "Le Blob" (1988) : une belle collection de films travaillant une fibre répugnante.
Mais la particularité de l'unique film de J. Michael Muro réside dans la mise en scène franchement colorée de ces mises à mort chimiques, les corps se désintégrant dans un festival de couleurs fluos renforçant le côté comique de la chose. C'est bien dans les à-côtés que résident les principales horreurs : on est moins offensé par ces corps en décomposition rapide que par ce flic qui tabasse un mafieux et finit par lui vomir dessus après l'avoir traîné la tête dans un urinoir, ou alors cette course derrière un pénis sectionné qui a lieu dans une décharge occupée par une horde de clodos, ainsi que des scènes de violence sexuelles. Le film arbore une tonalité grotesque très franche, participant à un certain portrait de New York, une ville pas aussi glamour qu'aujourd'hui dans les années 80 — typiquement la peur de s'arrêter au feu rouge dans certains coins.
Quoi qu'il en soit on se souviendra longtemps de ces glouglous dégueu et de ces geysers multicolores qui font fondre (ou exploser, ça dépend) des corps dans des chiottes. Rien ni personne à sauver dans cet univers, les flics et les voyous, les bourreaux et les victimes, tout est vernis de la même répugnance morale. Du glauque repeint en comédie, pas si éloigné de l'humour crado d'un Henenlotter ("Elmer le remue-méninges" aka "Brain Damage", 1988, sur lequel a bossé le réalisateur) ou de Peter Jackson via "Braindead" (1992).