Le New-York des années 80 n’avait rien d’un conte de fée disneyen, la grande pomme était gâté, pourri de l’intérieur et gangréné par la criminalité. Street Trash témoigne justement de la santé vacillante de la ville alors en état de perdition. Les habitants vivent dans des conditions d’insalubrité, grouillant comme des cafards qui s’écharpe pour quelques miettes de pains. Le court-métrage originale partait pourtant d’une idée simple, sans chichi ni blabla : un vendeur à la petite semelle écoule le stock d’un d’alcool frelaté à des SDF qui se mettent à fondre ou à exploser dans un festival de cris et d’effusions gore de fluides corporelles de toutes les couleurs. Sous la plume acerbe et virulente de Roy Frumkes, Street Trash taille dans l’élagage social et devient un film nihiliste qui aborde les discriminations et différentes inégalités sous un angle satirique et vulgaire loin, très loin de la vision humaniste d’un Kurosawa dont il se sera inspiré pour esquisser le portrait de ce théâtre misérable et burlesque. L’œuvre suit le sillage tracé par plusieurs Série B outrancières et désenchanté reflétant sans équivoque le marasme socio-économique de l’époque, tel que Maniac, Basket Case, ou C.H.U.D. dont il pourrait être le nouveau frangin plus ravagé et simple d’esprit qui n’aurai rien à leur envier dans la dégueulasserie élevé au rang d’art par Jennifer Aspinall make-up artist déjà responsable des saillies gore de Toxic Avenger. Au-delà de son déballage de vulgarité incendiaire, le scénario pointe clairement du doigt les dérives du rêve américain promu par les divertissements Reaganien pour se complaire en marge du système qu’occulte habituellement le cinéma hollywoodien.
Si on écarte ses velléités dénonciatrices le film se lit comme une série de sketchs grotesque et enchevêtré tordant le cou aux conventionnelles méthodes Syd Field en suivant l’itinéraire de plusieurs personnages caractérisés à l’excès et élevé au même niveau de bêtise humaine, empli de vices et de traumatismes. Ainsi, des mendiants ivres et paumés cherchent de quoi se sustenter au petit bonheur la chance entre fauche, trafic, et trouble au désordre public déjà ambiant. Un psychopathe vétéran du Vietnam règne en tyran sur une troupe de clodos, organise un racket, et surine les mauvais payeurs avec une opinel taillé dans le fémur d’un niakoué. Un flic culturiste aux méthodes expéditives enquête sur les meurtres et disparitions qui parsèment le récit quant il ne rend pas la justice à grand coup de poing dans la gueule. Il y a aussi une sorcière complètement camé, probablement atteinte d’Hépatite C, jalouse de la beauté relative d’une asiatique à la coiffe de mulet que plusieurs hommes ne peuvent pas s’empêcher de reluquer comme un vulgaire trophée. On a parfois l’impression d’avoir affaire à un parc récréatif ou un Disneyland sous acide lorsque Fred baguenaude dans les artères de la banlieue, un Main Street envahi de pouilleux, où le château de la belle au bois dormant aurait été substitué par une grande casse auto au milieu de ruines éparses et de champs dévastés. Outre les débordements gore provoqué par l’ingestion du « Viper », le récit comporte son lot de scènes absurde et de répliques culte telle qu’un vol à l’étalage dans un magasin qui se conclu par le réquisitoire enjoué d’un clochard, un policier qui se fait vomir sur la tête d’un gangster qu’il vient de tabasser baignant à demi comateux dans un urinoir, ou bien cette pause récréative entre mendiant où un pénis arraché sert de relais à un jeu de cour d’école dans la joie et l’allégresse communicative. Il n’y a que dans ce divertissement où le dégoût qu’une telle situation peut engendrer vous procurera un sous-rire sincère. Le long-métrage s’acquitte d’autant d’intrigues que de personnages à coup de Pay off bien asséné. Dans un jeu de chaise musicale, les bourreaux finiront à leur tour par devenir les victimes, car dans Street Trash comme dans la vie, tout le monde finit par trouver son maître.
Responsable d’un documentaire retraçant les premières œuvres de George Romero intitulé Document of the Dead et avant tout destiné à ses étudiants, Roy Frumkes ira jusqu’à imiter son modèle de prédilection afin de glisser une référence à Night of the Living Dead dans une séquence où une Nymphomane en goguette est assaillit par une horde de loqueteux libidineux qui vont la violer à mort toute la nuit, avant que le charognard syphilitique des lieux ne s’empare lui aussi de sa carcasse défraîchit, toujours dans la bonne humeur. La virtuosité technique des plans en Steadicam impressionne pour une série B de cette envergure. Quant à la photographie, celle-ci parvient autant à restituer l’atmosphère mortifère des lieux qu’à l’iconiser grâce à des couleurs saturés renforçant l’aspect bande dessiné du long métrage. Avec cette carte de visite 5 étoiles, le jeune réalisateur deviendra l’opérateur steadicam attitré d’un certain James Cameron. Bien qu’à contrario et si l’on en croit les bonus de la superbe édition blu-ray remastérisé de ESC Distribution, Jim Muro aurait depuis totalement renié la paternité de son long-métrage. Pourtant, le réalisateur confiait à l’époque s’être inspirée de John Waters, Russ Meyer et de ses premières expériences au côté de Frank Henenlotter. Quoi qu’il en soit, Street Trash figure encore aujourd’hui comme un chef d’œuvre de mauvais goût qui n’a pas peur de malmener la bienséance pour ériger sa propre morale.
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