A peine sorti de son territoire des loups bien trop sérieux, Joe Carnahan renoue avec la cocaïne avec Stretch, une comédie noire d’action qui reprend les mêmes bases que l’excellent Smoking Aces. Au menu, la même envie d’enfoncer les portes du n’importe quoi avec violence, en sortant de sa manche un casting de guest stars en pagaille pour une virée en pleine zone classée confidentielle de son cerveau bien allumé.
Une zone en proie aux délires en tout genre, aux fantasmes particulièrement barrés qui font de Stretch un film forcément à part, une bobine inclassable qui passe d’une scène parodique sérieuse à une séquence complètement allumée en un battement de cil. Ce flot non contenu d’idées en tout genre, Carnahan tente de le contenir avec une mise en scène aux petits oignons et une photographie de haut niveau. Mais ses efforts constants ne parviennent pas à apporter à Stretch la cohérence nécessaire pour homogénéiser son fond bien trop disparate.
Car si dans Smoking Aces, Joe Carnahan parvenait à lier toutes les portions excitées de sa récréation créatinée, dans Stretch, il se laisse dépasser par cette ambition qu’il nourrit d’être original à tout prix. En résulte une mélodie bancale, au potentiel symphonique évident jamais exploité, la faute à une écriture qui manque de tenue. Un tel fantasme cinématographique repose en grande partie sur les acteurs qui le portent mais aussi sur une composante essentielle que Carnahan néglige un peu trop ici : un fil rouge solide, qui parvient à lier chaque délire.
Dans Stretch les acteurs s’investissent à 300% mais ne parviennent, malgré leurs efforts, qu’à brasser le vide d’un script qui n’élève jamais ses personnages parce qu’il se contente de leur éphémère portée au sein de chaque séquence sans jamais les exploiter sur le long terme. Carnahan semble être conscient qu’il oublie de cimenter les jolies dalles qui composent son film et décide, dans un dernier acte maladroit, d’apporter un semblant de liant à l’ensemble, par l’intermédiaire de cette inconnue aux doigts agiles qui tente d’attirer Stretch dans ses filets. Mais l’effort est beaucoup trop forcé, et lorsque le mystère se lève sur la tigresse adepte du SMS, c’est la douche froide tellement c’est convenu et niaiseux. Comment finir un film aussi déganté de la pire des façons ? En 2 minutes, Carnahan en fait l’implacable démonstration.
Devant la générosité qui émane de Stretch, je ne peux décemment pas terminer cette palabre sur une telle affirmation. Il y a véritablement, dans le dernier film de Joe Carnahan, une envie farouche de se démarquer, de proposer une oeuvre à part. En cela, les intentions à l’origine de son projet sont plus que louables, et le résultat, aussi imparfait soit-il, à quelque chose de rafraîchissant, d’autant plus que graphiquement, ça a de la gueule. Il est simplement bien dommage que le cinéaste n’ait pas soigné autant son script que le visuel de son entreprise, il aurait alors pu renouer avec la belle surprise que fut Smoking Aces. Mais en l’état, Stretch ne parvient qu’à esquisser le sourire quand il joue avec ses idées borderline, sans parvenir toutefois à transformer l’essai subversif.
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