Sub
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Sub

Court-métrage de Julien Loustau (2007)

Sub est un incroyable récit d’exploration, une expédition vers l’inconnu, vers l’invisible, un fabuleux voyage au bout de la nuit, au fin fond de l’obscurité, à la recherche de la lumière.
Un voyage en deux-temps, ou plutôt en deux mouvements, l’un horizontal, l’autre vertical, qui avancent en symbiose et qui vont trouver leur point de rencontre lors d’un somptueux final.
Le mouvement horizontal, c’est ce que l’on voit à l’écran, un travelling qui ne saisit au début que des points de lumière, des formes abstraites, des faisceaux. Plus le travelling avance, plus les contours se dessinent, les formes se dévoilent : de l’eau, des bateaux, des collines, des inscriptions chinoises.
Le mouvement vertical naît sous une forme sonore. Il s’agit d’un récit, celui conté par la voix du cinéaste, Julien Loustau. Une voix pure, limpide, délestée d’affect, qui raconte de façon scientifique et carrée, une histoire qui paraît imaginaire. Le voyage d’une sonde, d’un petit robot qui perce les 4km de glace qui séparent de la surface le lac Vostok, le plus grand lac subglaciaire de l'Antarctique.
Ces deux mouvements évoluent dans un environnement sonore qui participe à la jonction des deux. Une matière aqueuse, minérale, avec des accents métalliques.
Sub se construit progressivement. Ces deux mouvements, au départ, semblent bien distincts, puis, à l’image du cinéma de Duras, d’une certaine manière, une liaison sensible se crée. Comme par incantation, de façon inconsciente on associe l’image et le texte et le voyage devient merveilleux, surnaturel. On imagine les collines chinoises comme des grands glaciers, les éclats lumineux comme l’action du petit robot qui descend de plus en plus profond, les taches dans le noir comme les photos que prend la sonde au fur et à mesure.
Un tout autre film naît, imaginaire, poétique, rêveur, une odyssée à la fois minuscule et gigantesque, un récit d’exploration passionnant et haletant.
Et puis les deux chemins arrivent à leur terme, ne pouvant plus descendre plus bas ou aller plus loin. Le petit robot se couche au fond du lac, le travelling bute sur un barrage. On arrive au terme du voyage.
Le film mute à nouveau, sa dimension imaginaire devient presque métaphorique, toujours poétique mais désormais politique. Ce barrage est en fait celui des Trois Gorges en Chine.
Dès lors le sub du titre, sous, prend différentes significations.
Sous la glace de l’antarctique, à l’origine du monde, là où l’homme n’est pas encore, et ne pourra peut être jamais aller, un endroit intacte, pur. Mais aussi sous l’eau du Yangtsé, un paysage englouti par la création du barrage, des villages, des plaines. Un paysage transformé de façon brutale par l’homme, qui a déjà muté, mais qui est encore en phase de mutation et dont l’avenir et indéfini, inconnu, obscur.
Mais le sub questionne également le regard, la représentation, que voit-on réellement, qui y a-t’il derrière les images et les sons. Une réflexion sur la capacité du cinéma à creuser et à stimuler l’espace imaginaire, mais aussi sur celle de l’homme à creuser toujours plus loin, vers l’inconnu, mais de façon peut être irréversible.
Cette double plongée vers le noir trouve donc son point de rencontre, et son point d’orgue ici. Au fond d’un océan glaciaire, où un petit robot reste couché, peut être pour l’éternité, après un voyage exaltant, mais aussi mélancolique et solitaire. Et au pied d’un barrage éclatant de mille feux, et pourtant monstrueux. Qui y a-t-il réellement dans cet espace(Vostok)-temps(Trois Gorges) ?
A cette heure, personne ne sait ce qu’il y a si profond, et si loin dans le temps, mais cet aspect flottant, indéfini, laisse libre court à toute représentation et imagination.
Avec trois fois rien, le cinéaste dessine un objet d’une grande richesse et d’une grande puissance cinématographique, esthétique, sensorielle et réflexive.
Sub est un film sublime.
Teklow13
9
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le 23 févr. 2015

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Teklow13

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