Vies.
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Il est des plantes ou des organismes vivants qui ne peuvent apparaître et subsister que dans des milieux hostiles, voire toxiques, qui seraient irrespirables à tout autre… Il faut croire que Thomas Vinterberg (19 mai 1969, Copenhague - ) est de ceux-là. Cinéaste de la crise, et plus spécifiquement de la crise familiale, le réalisateur danois, douze ans après son monumental « Festen » (1998) et deux avant « La Chasse » (2012), campe ici deux frères, dont le destin, fracassé dès l’enfance, tente ensuite, tant bien que mal, de se forer une voie viable.
La scène d’ouverture, qui reviendra d’ailleurs en miroir à la toute fin, tranche avec le climat d’ensemble par sa luminosité extrême, sa blancheur baptismale, et le bonheur déchirant qui l’irradie. Elle se pose, d’emblée, comme un discret mais explicite hommage à l’une des scènes les plus marquantes du film d’Antonioni,
« Identification d’une femme » (1982). Toutefois, ce n’est pas le destin d’une femme qui sera radiographié ici mais bien celui de deux frères et, passée cette scène liminaire, le scénario - adapté, par le réalisateur et Tobias Lindholm, d’un roman éponyme de leur compatriote Jonas T. Bengtsson - amorce une plongée en apnée dans les noirceurs du destin qui ne s’éclairera qu’à la fin et n’a guère d’égale que celle à laquelle nous avait conviés la très remarquable réalisation franco-belge de Felix van Grœningen (1er novembre 1877, Gand - ), « La Merditude des Choses » (2009). À cette différence près qu’ici le côté trash a cédé la place à une forme de tragique pur. Dimension tragique qui est certes loin d’être absente du film de Grœningen, mais qui atteint, avec cette œuvre que Vinterberg reconnaît pour être sa plus sombre, une sorte de quintessence, le destin semblant prendre plaisir à matraquer les deux frères avec aussi peu de vergogne qu’un parent maltraitant. Toutefois, le cousinage entre ces réalisateurs danois et belge s’offre un double pontage, puisque « Submarino » (2010) ne peut pas ne pas évoquer également une autre réalisation de Grœningen, « Belgica » (2016), s’architecturant également sur la relation de deux frères et du bar qu’ils tentent de reprendre ensemble.
Il est d’ailleurs remarquable que ce long-métrage, qui pourrait annoncer le glaçant « Faute d’amour » (2017), de l’immense Andreï Zviaguintsev, par le manque criant d’amour qu’il dénonce à l’une des générations de la relation parents-enfants, rayonne autour de lui de tant de liens cinématographiques et fraternels avec des contemporains. C’est de nouveau avec le cinéma belge qu’il pourrait dialoguer, et cette autre relation entre frères, aussi sombre mais plus orageuse, dans « Les Ardennes » (2016), de Robin Pront.
Toutefois, malgré la transformation physique, on ne s’étonne pas de retrouver Jakob Cedergren, l’acteur qui incarne Nikolaj, l’aîné des deux frères, sous les traits du policier qui porte l’ensemble du film, dans l’impressionnant « The Guilty » (2018), de Gustav Möller. Tant il est vrai que, ici, aux côtés de son petit frère (Peter Plaugborg), non prénommé - comme souvent dans les contes, et particulièrement pour les personnages appelés à disparaître - et de l’attachant fils de celui-ci, le petit Martin (Gustav Fischer-Kjærulff), Nick incarne celui dont la flamme ne vacille pas. Certes un peu volcanique, éruptif, quand il n’est pas abîmé dans de sombres pensées, mais animé d’une force sourde et bienveillante dont on pressent qu’elle saura le porter jusqu’au générique de fin. Pourtant placé au contact récurrent d’une mort rencontrée de plein fouet, Nick est celui auprès de qui la vie s’acharne, au point, même, peut-être, d’oser le lester d’une autre existence que la sienne.
En 2010, Thomas Vinterberg signait là une œuvre sombre et puissante, grave mais non exempte d’espoir, une belle histoire de fraternité meurtrie qui parvient toutefois, par des voies inattendues, à accéder à la paternité.
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Créée
le 22 mai 2021
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