Le Salaire de la peur version Julien Leclercq vient de sortir sur Netflix, devenant ainsi la seconde adaptation française du roman de Georges Arnaud (1949). Néanmoins, un autre film français s'est inspiré de cette histoire et des deux premiers films (le Clouzot et le Friedkin). Avant de filmer les 24 heures du Mans pour Luc Besson, Louis Pascal Couvelaire avait signé Sueurs, scénario original qui n'en a pas tant l'air.
Les héros ne sont plus des convoyeurs d'explosifs, mais des voleurs ayant détourné de l'or. Comme dans le Clouzot, les héros traversent un endroit désertique pas forcément identifié. Certaines situations font direction allusion au Clouzot, comme ce passage où Joaquim de Almeida se retrouve accroché à un camion en pente très glissante ; comme la tendance des personnages à se tirer dans les pattes. Le trajet sous tension et le contenu du convoi amènent les personnages petit à petit vers la folie. Quant au final, bien que très différent des Clouzot et Friedkin, il partage avec eux un retour à la réalité qui fait mal et où la fatalité est inévitable.
Il faut dire que Sueurs montre une bande de voleurs prête à tout pour avoir son or, quitte à retirer des parts au fil du film. Couvelaire va donc montrer un jeu de massacre dans le désert où chacun pense tirer son épingle du jeu, avant son inévitable chute. Le réalisateur ne fait aucun cadeau avec eux, quitte à déjouer les attentes des spectateurs. Le porte-flingue n'est pas forcément celui qui survivra et les amis du départ ne le sont pas forcément à la fin.
De même, si Jean-Hugues Anglade incarne un personnage fort en gueule, mais pas forcément méchant au préalable ; il finit par montrer un visage beaucoup plus menaçant au cours du film, quitte à devenir totalement inquiétant sur la fin. Ainsi, le passage où il poursuit ses anciens acolytes entre deux mines tient de la folie furieuse et Anglade de signer une prestation pour le moins dégénérée et bruyante. Le montage alterné entre les deux équipages ne fait qu'accentuer la tension avec un premier pensant avoir de l'avance et le second les rattrapant avec la rage au ventre.
Outre les précédentes adaptations, Sueurs se rapproche pas mal du cinéma de Tony Scott par la photo de Michel Abramowicz (qui officiera aussi sur Michel Vaillant). Le désert se révèle bien sombre avec un côté granuleux, loin de la luminosité d'un Lawrence d'Arabie (David Lean, 1962). Ainsi, on pense souvent aux scènes désertiques de Domino en regardant Sueurs et chose amusante, les deux films sont produits par Samuel Hadida (le Couvelaire avant le Scott). Un style qui peut également se confirmer par le drôle de générique montrant le dit casse. Le montage met des plans en surimpression et les multiplie en jouant de flashs, chose que fera plus d'une fois Scott dans les 2000's. Néanmoins, l'effet pique les yeux ici et il aurait mieux valu faire quelque chose de plus classique.
Sueurs a été un beau four à sa sortie (52 459 entrées pour 6,9 millions d'euros de budget), pas aidé non plus par un manque de publicité flagrant dans un été 2002 où Spider-man (Sam Raimi), Lilo et Stitch (Sanders, DeBlois), L'âge de glace (Chris Wedge), Scooby Doo (Raja Gosnell) et Men In Black 2 (Barry Sonnenfeld) s'affrontaient. Soit des films très grand public face à un film violent montrant des marginaux s'entretuant pour un or que l'on ne voit quasiment jamais à l'écran. Un combat perdu d'avance. Sueurs a été oublié aussi vite qu'il est sorti et c'est bien dommage, tant le film mérite le coup d'oeil. Peut-être plus que la dernière version officielle du Salaire de la peur.