Je ne vais pas vous mentir en tentant de vous faire croire que j'ai découvert l'oeuvre de Sixto Rodriguez avant tout le monde. Comme beaucoup, je n'ai découvert son existence qu'à la sortie du documentaire de Malik Bendjelloul. Pire, je n'ai écouté ses chansons que récemment, encouragé par une certaine personne pour qui mon coeur battait plus que de raison. Et ce fut la révélation. Dès le morceau "Sugar Man", qui ouvre son chef-d'oeuvre "Cold fact", l'artiste m'a happé, m'a capturé à tel point d'exploser ma platine à force de passer le disque en boucle. Ce que l'on appelle communément un coup de coeur.
L'intérêt du film de Bendjelloul n'est pas de découvrir qui est Rodriguez, de savoir quand il est né ni pourquoi telle chanson. Le but de "Sugar Man" est de comprendre comment un tel prophète a pu passer à côté d'une carrière qui aurait du être pharamineuse. Comment ce mec, superstar en Afrique du Sud sans qu'il le sache, peut-il être un total inconnu dans son propre pays. Et surtout, où est-il ?
Dans sa première partie, "Sugar Man" peut se voir comme une enquête d'investigation, comme une quête à la recherche d'une ombre, d'un fantôme. On suit avec plaisir les efforts des différents intervenants pour comprendre l'artiste, sa musique, les raisons de cette fabuleuse carrière avortée. Brillamment remise dans le contexte politique et social de l'époque, l'oeuvre de Rodriguez n'en sort que plus grande, plus prophétique.
Passées les anecdotes incroyables sur sa supposées mort, sa notoriété inespérée et presque accidentelle en Afrique du sud, arrive la seconde partie, celle de la découverte de l'homme, des retrouvailles entre un artiste et son public. Une partie peut-être moins ouvertement percutante mais ô combien touchante par sa rencontre avec un homme d'une humilité déconcertante, working class hero vivant bien loin du strass et des paillettes et ne regrettant aucunement d'être passé à côté de la fortune et du succès.