Show must go home
Le grand bouleversement qui a terrassé l'industrie du divertissement, au cours de ces 30 dernières années, tient en deux points. La fin d'une certaine possibilité d'émerveillement serait presque...
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le 3 août 2016
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L’année du cinéma en 2016 peut facilement être comparée à une période de famine en terme de qualité tant les déceptions se sont cumulés au fil du premier semestre pour le genre du super-héros : en passant par le très lourdingue Deadpool, le pétard mouillé prémédité qu’est Batman V Superman : l’aube de la justice de Zack Snyder ou encore Civil War qui prouve pour de bon en quoi Marvel aurait bien besoin d’un énorme redressement tant le film est malhonnête en plus de piquer les yeux.
Seul X-Men Apocalypse de Bryan Singer a su proposer quelque chose et m’a vraiment plu. Et certes, il a beaucoup de problème en termes de scénario et de cohérence mais le réalisateur d’Usual Suspect croyait à ce qu’il racontait, il croyait à son film et ça s’est senti. Chose que j’aurais aimé pouvoir dire de l’une des plus grosses attentes de l’été avant qu’il ne soit sauvagement descendu et lynché de toute part dés son avant-première, sans oublier que les fanboys de DC ne réagissent pas vraiment avec ouverture contre ceux qui n’ont pas aimé.
L’idée même d’un film de super-vilain, surtout dans l’univers de Batman et aussi casse gueule que ça puisse être, est tout sauf mauvaise et il y a tout pour en faire un truc jouissif. On a les protagonistes pour les méchants (Harley Quinn et le Joker en tête, etc...), la ville de Gotham et l’univers de Batman. En plus de cela, les premières bandes-annonces et Teasers ne pouvaient que donner envie, notamment les choix de casting (Margot Robbie en Harley Quinn et Jared Leto en Joker par exemple) et au moins ça avait le mérite de ne pas spoiler toute l’histoire comme pour la promo raté de Batman V Superman.
Mais parlons tout de suite du film car son vrai problème, c’est d’avoir voulu croire qu’il s’assumerait comme tel, qu’il rendrait ses méchants intéressant, ce qui n’est pas le cas. Malgré une introduction assez bien faite de certains vilains, toute la bande pourrait facilement être comparé à une bande d’antihéros à la sauce Les Gardien de la galaxie en beaucoup moins bien puisqu’en dehors de 2 d'entre eux, aucun ne convainc.
Diablo m’était totalement inconnu (comme son acteur Jay Hernandez) jusqu’à maintenant et l’émotion ne marche jamais avec lui et son histoire, Killer Croc ressemble à une version DC de Drax mais en moins bavard et beaucoup plus fade que ça soit son maquillage très classique malgré quelques bonnes phrases, quand à Captain Boomerang vaut mieux pas en parler, il est juste lourd et n’est qu’un cliché du connard de la bande joué par un Jai Courtney à peine investi dans son rôle et plat comme à son habitude. Toute la bande ne fonctionne que grâce à deux personnages qui, à eux-seuls, donnent de l’intérêt au film.
Le premier est Deadshoot et son acteur Will Smith qui arrive à être assez drôle et attachant en plus d’avoir la classe (parce que Will Smith est cool, par nature), et la seconde c’est Harley Quinn qui fait mouche grâce à une Margot Robbie pleinement investie dans le personnage sans tomber dans le piège du cabotinage : barge, sexy, souvent drôle et même touchante à certains moments en plus d’avoir un look hard très stylé, sans mal le meilleur personnage du film. Bref, ce qu’aurait dû être le Joker dans ce film justement.
Une nouvelle version du Joker était très attendue avec Jared Leto dans le rôle titre… et pourtant c’est l’une des plus grosses tâches de Suicide Squad. En plus de n’apparaître en tout et pour tout que 10 minutes à peu près, Jared Leto ne fait que grogner en parlant à voix susurrante et sortir le même rire 90% du temps sans jamais rien proposer d’autre, à aucun moment il n’apporte quoique ce soit qui arrive à le distingue ou même se comparer aux versions Burton et Nolan du personnage puisqu’il n’a même pas de background pour lui-même et ne soigne jamais sa performance un seul instant. Comment peut-on rater à ce point à rendre l’ennemi juré de Batman charismatique et intéressant ?
J’en viens même à discuter la présence de Viola Davis qui accumule un nouveau rôle anecdotique en la personne de Amanda Waller après le Hacker de Michael Mann, de même pour le colonel Rick Flag ou le personnage de Katana assez insipide également en dehors de son look. Sans oublier une méchante en la personne de l’ensorceleuse trop vite survolée et qui, devinez quoi, veut faire péter tout et n’importe quoi et n’a que peu de mentalité pour elle… sans déconner y’en a marre des films de super-héros à méchant de merde, Man of Steel au moins avait un antagoniste crédible malgré ses problèmes. Mais là entre elle et la version Jesse Eisenberg ultra mal exploité de Lex Luthor et elle, c’est mal parti pour l’avenir des méchants chez DC.
D’une manière générale, la bande de super-vilain respecte finalement une trame très convenue en termes d’histoire à antihéros, ce qui aurait été acceptable si le film racontait au moins bien celle-ci. Mais même pas, le rythme est mal géré et trop rapide lors de la présentation des super vilains en plus d’un montage accéléré mal foutu et d’une réalisation peu inspiré pour rendre ces backgrounds passionnants.
D’ailleurs David Ayer peine à rendre ce film d’antihéros passionnant ou entraînant. Autant j’aimais vraiment bien son boulot sur Fury, là c’est très mou la plupart du temps : des combats qui ne prennent jamais au tripes, une caméra lente, et peu de plan qui frappent dans le mille (seul celui ou le Joker retrouve Harley Quinzel dans la cuve d’acide m’est resté gravé en tête). Le climax final a beau être plus divertissant grâce à quelques designs visuelles sympas comme celui de l’ensorceleuse et un montage et une caméra un peu plus dynamique, mais ça ne suffit pas. La seule chose qu’il ait trouvé, c’est de placer en continue des chansons populaire destinés à attirer le jeune public pour faire croire à un film trop cool et dark pour la forme, sachant que le reste de la musique de Steven Price est affreusement désagréable à entendre puisqu'il se résume qu'à du bruit en force (pas rassurant vu que Junkie XL reprend le flambeau pour les prochains film du DCU).
Et du coup cela pose aussi l’un des autres gros problèmes du film : Ayer part du principe que le public cible connait déjà ces personnages et ne se permet jamais de donner assez d’épaisseur pour les rendre intéressant ou donner sa propre vision de ces méchants de l’univers de Batman, d’où le fait que Le Joker n’ait pas grand-chose pour lui ici.
Ce qui est inacceptable comme erreur, un personnage n’a pas à se limiter à la vision qu’a le public de lui à partir des BD ou d’une œuvre pré-existante. Batman v Superman, malgré son ratage, faisait cet effort avec le personnage de Batman qui avait le mérite de se distinguer (en bien) des autres versions grâce à Ben Affleck et son écriture. Les nouveaux personnages comme ceux de Harley Quinn ou Deadshoot marchent que grâce à leur toute première dans un film Live et leurs interprètes mais si on avait eu des versions ultérieur dans film Live, je suis pas sur que ça marcherait.
Christopher Nolan et Tim Burton avaient compris que pour que leur personnage marchent, ils devaient imposer leurs thèmes et leur style visuel ce que chacun à fait. Là, ce n’est pas un style qui est propre à David Ayer, c’est le style visuel de n’importe quel DC au point qu’on aurait pu associer Zack Snyder au film sans sa réalisation, notamment avec la photographie qui élimine plus les couleurs qu’autre chose.
Les soucis de cohérences et de compréhension sont également présent à plusieurs reprises
(Je sais pas si c'est moi mais… pourquoi Batman a embrassé Harley après l'avoir sauvé ? Aussi, Midway City, ça n'a pas l'air si éloigné de Gotham donc, que fait Batman ? )
, et surtout la pire débilité du film c’est d’avoir voulu rendre le groupe de super-méchant attachant et d’en faire des héros mal aimé au lieu de tenir sa promesse de départ.
Raconter les aventures d’un groupe de criminel ou de gens qui ont très mal tourné et les faire interagir selon leurs habitudes auraient pu être énorme et même imprévisible, ce n’étaient pas les bonnes possibilités qui manquaient surtout avec les deux principaux personnages du groupe et la présence du Joker.
Mais au lieu de ça, non, on nous ressort une histoire déjà revu plusieurs dizaines de fois et le film mérite sans mal sa réputation fraîchement formé de pétard mouillé d’été 2016 en plus de ne jamais assumer son côté sombre et de balancer de la poudre aux yeux du public en se donnant un style. Non seulement c’est prétentieux au possible, mais si on prend en compte la réaction de certains fanboys qui refusent qu’on dise du mal d’un film DC, Suicide Squad est très mal parti pour être apprécier et malheureusement, il ne l’aura pas volé.
Et entre ça et Batman V Superman, le DCU semble très mal parti pour évoluer en bien prochainement. Non seulement il bâcle ses éléments d’installation pour son univers, mais en plus il semble parti pour tourner façon Marvel tant ce film prend son public pour l’idiot du village. Et malgré mon attente pour Wonder Woman l’an prochain, je suis loin d’être optimiste.
Si vous voulez voir un film avec des antagonistes ambiguë ou des antihéros qui ont de l’intérêt, laissez tomber ce film et jetez vous sur la filmographie de Quentin Tarantino, lui au moins assume pleinement tout ce qu’il raconte et le fait avec passion et talent. Ou si vous voulez voir un bon film de super-héros de 2016, regardez X-Men Apocalypse, c'est très loin d'être parfait mais au moins le spectacle est là.
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le 8 août 2016
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