C’est un projet d’une magistrale envergure que nous propose Kôji Fukada. Suis-moi je te fuis brosse une ample quête amoureuse où les rôles s’inversent en permanence et se dédoublent continuellement. Ce n’est pas sans rappeler la série Twin Peaks (David Lynch, 1990) où pléthore de personnages secondaires passent leur temps à brouiller les pistes (déjà floues !) autour d’une femme centrale d’autant plus envoûtante qu’elle est incernable. Cette fois, il ne sera pas question d’une Laura Palmer assassinée, mais d’une Ukiyo que Dieu sait combien d’hommes vont chercher à contenir… tant elle est libre. Suis-moi je te fuis forme une fresque au développement vertigineux, à juste titre sélectionnée Compétition Officielle de Cannes 2020.
Silhouette élancée, coupe de cheveux décousue : voilà Tsuji, jeune homme embauché dans une entreprise de feux d’artifice (« Hanabi » en japonais !). Son visage impassible laisse augurer l’attitude de celui qui cherche à ne semer aucune forme de trouble. Se profile aussi une volonté farouche de se faire une place, quand on comprend qu’il a un accord de longue date avec la sévère Mme Hosokawa, sa supérieure hiérarchique. Celle-ci passe des soirées secrètes dans son appartement, espère le mariage… En parallèle, Tsuji mène une idylle avec une jeune collègue qui s’imagine déjà avoir la bague au doigt ! Une situation qui fait croire que Tsuji a une vie sentimentale aussi explosive que les feux d’artifice qu’il commercialise. Pourtant, il n’en est rien. Comme beaucoup, il vit l’amour parce qu’il faut bien, sans y croire vraiment. Jusqu’à sa rencontre – épique ! – avec Ukiyo.
Il réalise alors que l’amour, le vrai, celui avec un grand A qu’on voit dans les films, existe bel et bien… Il va ainsi se montrer tendre, sensible aux injustices, spontanément du côté de cette belle victime en proie à mille déboires, harcelée par d’autres qui, comme lui, en sont fous amoureux… Viendra la fin de la bataille où le preux chevalier croira avoir terrassé le mal en attachant pour toujours le cœur de sa dame au sien… C’est ce jour même qu’Ukiyo choisira pour disparaître, cette fois définitivement. Si vous voulez une suite à cette fin… Il faudra voir Fuis-moi je te suis, le deuxième opus !