Le temps passé n’est pas passé inaperçu...

Quelle soit logique, pièce de musique, lignée de personnes ou de choses, qu’elle vienne toujours après, la suite est toujours conséquence. Pascale Breton nous entraine en Armorique, dans un étrange film, un peu boiteux, mais tellement attachant. Françoise et Ion, l’une professeure, l’autre étudiant, sont comme les deux faces de l’océan. Elle, apaisante, aux éclats mystérieux d’Emeraude parfois changeante. Lui, véhément, robuste comme du granit mais pourtant si fascinant. Il suffira d’une année scolaire, qui s’écoule sur le film, pour que ces deux êtres si contrastés, si troublants, s’immiscent en nous, nous charment autant qu’il nous perturbent et nous laissent comme le chantait Marie Paule Belle l’âme à la vague.


Pascale Breton souhaitait faire un film sur le temps, et c’est en alchimiste de l’écriture qu’elle l’a distillé. Le temps, celui qui passe, mais surtout celui marque des vies qui se croisent par inadvertance, et parfois se reconnaissent. Le temps qui fait que l’on se lasse d’un mari parfait, celui qui fait que l’on réussira un jour à oublier une enfance détournée, ou celui qui ne se calcule pas et qui affiche son éternelle jeunesse et sa belle fraicheur, comme dans les toiles d’un Nicolas Poussin.


L’art, au sens propre comme figuré, est au cœur de cette « Suite armoricaine » avec son rapport à la peinture bien évidemment (Françoise est conférencière) mais aussi avec cette partition surprenante aux accents celtiques d’Eric Duchamp. Un environnement un tantinet littéraire, l’engonce parfois, mais il faut lui reconnaître une habilité à manier les mots aussi bien que les silences. Il aurait fallu toutefois plus de ferveur encore, et plus de folie dans ce scénario pour qu’il provoque une totale adhésion. Mais même sans cela, le film se distingue par sa forme et son audace de l’actuelle production française un peu pépère du moment.


Et puis, et puis, il y a la présence de Valérie Dréville, son aura n’est pas sans nous rappeler la douce ferveur d’une Emmanuelle Riva ou les fêlures d’une Annie Girardot, elle irradie. Et la présence de Kaou Langoët n’est pas étrangère à cette prestance, il apporte sa fougue et sa candeur à Ion et ce duo non amoureux d’une presque mère et d’un presque fils fait sensation. Et s’ils ont eu du mal à se trouver, pour paraphraser Claudel, ce n’est pas le temps qui leur manquait, mais tous deux qui lui ont manqué. Et la suite… reste encore à écrire


"L'âme à la vague" Marie Paule Belle https://www.youtube.com/watch?v=RYRs4UCdeHE

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le 1 avr. 2016

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Fritz Langueur

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