Le long-métrage est tiré du roman du même nom Suite française, écrit en 1942 par la controversée Irène Némirovsky. L'histoire se déroule en 1940, dans une petite ville où les parisiens chassés de la capitale ne tardent pas à débarquer. Un régiment de soldats allemands est envoyé là-bas pour "occuper" le territoire. Tous les soldats seront hébergés par les nombreuses familles. Lucile, incarnée par Michelle Williams, alors chez sa belle-mère dans l'attente de son mari parti au combat, tombe sous le charme d'un lieutenant allemand qu'elles recueillent sous leur toit. Il semble plus humain que les autres, et bientôt , les deux âmes esseulées que tout oppose se lanceront dans une passion bien dangereuse...


Le film débute par des images d'archives et se termine par de plus amples informations quant à la vie de l'écrivaine et du dénouement de ses plans. Il y a donc une caution historique mise en oeuvre pour crédibiliser l'histoire et la rendre plus ancrée dans le réel. Suite Française n'est pas seulement la bleuette entre un nazi un peu trop mou et une roturière un peu trop avenante, c'est le rendu instantané d'une époque où la moralité, de toute part et de tous les horizons, est mise à l'épreuve chaque jour et dans chaque acte. Ainsi voit-on un vicomte au visage (plus ou moins) humain collaborer avec les allemands, des graines de résistants, des gens impassibles ou, au contraire, très ouverts au régime, une voisine qui couche avec un soldat ou notre héroïne qui, après avoir fait passer ses propres intérêts avant ceux de sa communauté, va se faire violence et aider son prochain. Et de ce point de vue, les nombreuses petits histoires adjacentes sont intéressantes à suivre même si très banales et mille fois racontées. Lucile, contrairement au personnage de Anna Paquin dans Irena Sendler, qui elle va tout faire pour aider à cacher des centaines de juifs, agit dans un premier temps pour son bien-être parce qu'elle est en manque d'amour, d'affection, de reconnaissance. Elle voit dans ce soldat allemand sa propre paix intérieure. Quant à ce dernier, interprété par l'excellent Matthias Schoenaerts, il trouve dans sa relation avec elle le peu d'humanité qu'il lui reste après ce début de guerre, et il s'y attache. C'est une petite histoire qui raconte la Grande.


Saul Dibb, qui avait réalisé The Duchess quelques années auparavant, montre les mêmes similitudes et les mêmes défauts, à savoir une élégance très anodine. Les plans sont léchés, le cadre favorise souvent le gros-plan, ce qui nous implique directement, les musiques au piano sont belles et assourdissantes. Cette surenchère camouflée derrière de la simplicité permet de très jolies scènes, comme celle de leur premier baiser ou celle de l'arrivée des allemands dans la ville, mais étouffe parfois le côté authentique du récit que l'on est en train de suivre. Et le scénario, touchant et efficace, ne relève malheureusement pas d'une subtilité tonitruante. On a beaucoup de mal à sortir de l'amourette utopique un peu trop mielleuse, à l'instar de soldats jamais vraiment méchants. On comprend évidemment que ce ne sont pas tous des monstres, mais ça devient très vite un vaste océan à l'eau de rose. Un amour fusionnel qui naît et meurt dans la musique, comme cette Leçon de piano, sauf qu'ici, cette passion commune paraît bien anecdotique...


Côté casting, Matthias Schoenaerts tire son épingle du jeu. Même si son personnage au destin déjà tout tracé ne lui permet pas une marge de manœuvre bien importante, il impose un certain charisme et un jeu tout en douceur, notamment à l'aide d'une sensibilité qui effleure dès le départ le spectateur. Il partage l'affiche avec Michelle Williams, qui si elle manie relativement bien la double-personnalité de son personnage, n'arrive encore et toujours pas à se sublimer pour offrir plus que ce que l'on attend d'elle. C'est une prestation intéressante mais sans relief, comme elle en a l'habitude. Kristin Scott Thomas est fade, son personnage peu intéressant ne l'aidant pas. Lambert Wilson est quant à lui plutôt convaincant. Le reste du casting est correct.


Suite française n'est ni à voir pour le devoir de mémoire, ni à voir pour sa romance, il en reste alors un curieux mélange qui, j'en suis certain, fera flancher les cœurs les plus sensibles, dont je fais bien évidemment partie, comme toujours.

EvyNadler

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