De temps en temps ça fait du bien de goûter un peu à la naïveté d’une belle histoire.
Suite française fait du bien parce qu’il arrive à point nommé: c’est le printemps, il fait beau, on a envie de voyager.
Oui mais le film commence, et c’est la guerre.
Pire, c’est l’occupation, dans un village déjà bien moribond qui vivotait en attendant le retour des guerriers. Pas de quoi inviter au rêve.
Les femmes tiennent la baraque en attendant la fin des hostilités, mais globalement elles s’ennuient , Michèle Williams en tête.
En prime elle a le privilège de vivre avec sa belle mère - austère évidemment, toujours là pour lui rappeler qu’elle ne doit s’accorder aucune distraction tant que son mari n’est pas officiellement mort ou rentré du front.
C’est déjà pas la joie, et l’arrivée de l’occupant ne va rien arranger pour la population.
Imaginez un peu le tableau, il ne manquerait plus que la jeune femme trouve un peu de distraction dans la compagnie de l’officier allemand hébergé de force chez elles!
Bon il se trouve que l’officier en question est Monsieur parfait: beau, sensible, musicien (compositeur même!), humain, n’en jetez plus! (bon il est SS quand même au passage, mais un gentil qui n’a jamais tué, jamais menti, jamais failli…).
C’est là que le film perd en crédibilité et que les moins romantiques abandonnent, c’est là que les autres adhèrent en bavant sur le beau belge. (et pas le pot belge...). On craque pour le bel officier au cœur tendre, et on ne peut que comprendre l’émoi de Lucile.
Oui ça fleure bon le cliché, le petit village français, les petites soquettes des jeunes filles, les jupes marron, les cheveux bouclés, les allemands méchants - mais pas tous, les filles légères - sauf notre héroïne, les délations, les pillages, la poussière, il ne manque rien pour parfaire le tableau (ou alors juste un peu de sang)..
Oui mais ça a du charme.
Sans être extraordinaire le film est délicat, classique et romantique.
sans être français (sacrilège!) il offre des décors et costumes crédibles, et nous montre que les situations n’étaient peut-être pas aussi facile à décrypter à l’époque qu’elles ne le semblent aujourd’hui.
Et puis en y regardant de plus près, on se rend compte que tout n’est pas si tranché qu’on pourrait le croire: les limites entre les différents clans sont floues: les “gentils français” bien comme il faut qui font front face à l’envahisseur le font petitement: chacun pour soit, en gardant de côté le maximum de réserves. Et puis un peu au hasard, de temps en temps, hop un acte de résistance, un vrai. Même notre héroïne semble hésiter en permanence, pas sûr qu’elle agisse vraiment par conviction politique à chaque fois, elle réagit surtout à des situations ponctuelles.
Ferions-nous mieux aujourd’hui? Pas si sûr, par contre après-coup on aurait beau rôle de ressortir de nos cartons nos quelques actes héroïques, et d’enterrer bien loin les autres moins avouables.
Pas la peine cependant d’y chercher quelque chose de franchement inédit. Quoique pour une fois on voit la guerre côté femme, et on se dit que ça ne devait pas être facile tous les jours (le film n’évoque pas “l’après-occupation” mais on sait que ça n’était pas bien beau non plus).
La guerre est là, on le sait sans en voir grand chose: le but n’est pas d’écœurer le spectateur mais au contraire de séduire, et d’utiliser ce cadre pour mettre en avant la pièce qu’on y joue.
Et puis il faut reconnaitre qu’une histoire d’amour impossible avec deux acteurs aussi jolis, dans de beaux décors, avec une petite musique mélancolique (bon ok le côté mélo de la musique est un peu exagéré), c’est loin d’être déplaisant.
En plus rien qu’en voyant l’affiche on savait très bien ce qu’on venait de voir, il serait donc bien mal venu de faire la fine mouche.