Sangaïlé (Julija Steponaityte) passe l’été avec ses parents dans la campagne non loin de Vilnius. C’est une adolescente farouche, visage fin, corps longiligne et longs cheveux châtains qui ne perd pas une miette de ce qui l’entoure. On la découvre lors d’un meeting aérien où des pilotes chevronnés réalisent d’incroyables pirouettes avec des petits monomoteurs très maniables et joliment décorés.
Tout le film est à l’image de cette ouverture. De l’acrobatie pure et simple, avec certains effets faciles mais aussi de réelles prises de risques et un petit goût de folie parfaitement assumé. De toute façon, on en prend plein les mirettes pendant les 1h32 de projection qui passent sans qu’on s’en rende compte. Rase-mottes, loopings, tonneaux, piqués et virages serrés à gogo. On ne mentionnera pas de montagnes russes, car le film est situé en Lituanie.
Summer c’est donc l’été, la période des vacances (on peut prendre le temps de se gorger de sensations agréables), avec la chaleur, des découvertes, une saison dont on ne sait pas encore qu’elle est la plus belle et qu’il n’y en aura jamais d’autre de comparable. Sangaïlé rencontre la charmante Austé (Aïsté Dirziuté), légèrement plus vieille qu’elle et déjà entourée de nombreux amis et amies. Beau minois agrémenté d’un sourire gentiment ironique, Austé travaille comme serveuse à la cantine de la centrale. A l’évidence, Austé n’est pas un diminutif d’Austérité !
La centrale représente la menace extérieure (rejets de vapeurs dans l’atmosphère et source anormale de chaleur pour l’eau du lac), mais on s’en inquiétera plus tard. Avec ses formes visibles de loin, ses fils qui vibrent en transportant l’électricité et sa silhouette élancée, elle peut encore être considérée sinon comme esthétique du moins comme un repère. Quant à la menace interne, c’est ce corps agile et souple (source d’innombrables plaisirs), dont on sait qu’il est appelé à vieillir, se dégrader jusqu’à la mort. Si le film dégage tant d’énergie vitale, c’est aussi parce qu’il évoque la mort comme une échappatoire possible à cette vie où un rien peut blesser. Même si Summer est un concentré de sensualité, il pose clairement la question de ce qui vaut que la vie soit vécue. La réponse est « Avec force » dans l’inépuisable source de beauté de notre monde, le terme beauté allant au-delà de toute notion esthétique puisqu’il englobe les rencontres.
Pour son deuxième long métrage,Alanté Kavaïté réussit un film (prix de la mise en scène au festival de Sundance) touché par la grâce, sa caméra se faisant quasiment oublier alors qu’elle est mobile jusqu’à rendre palpable le vertige. Tout en sensations (émotions, couleurs, formes, trajectoires, le velouté d’une peau, une maison en bois où on accepterait bien une invitation pour des vacances, les diversités de la nature, etc.) Summer évite les dialogues superflus, préférant les échanges de regards et l’inspiration d’une BO signée Jean-Benoît Dunckel du groupe Air (qui aborde différents registres avec bonheur).
Un film délicat et fragile comme un papillon, quasiment intemporel (à part la centrale électrique), mais probablement tourné à l’été 2014 (une saison, soit 3 mois). Je compte 14 et 3 qui font 17, nombre clé du film et âge de Sangaïlé, à un an du Bac. Pour ceux qui déploreraient qu’il ne s’y passe pas grand-chose, ce serait oublier que Summer décrit les premiers émois (avec élans, maladresses, connivences, ivresse des sens, brusques revirements, etc.) d’une jeune fille qui découvre que la vie est faite de choix. Elle est à un âge où quasiment tout reste possible. Le moindre détail a son importance. Enfin, qu’attendre de mieux d’un papillon sinon qu’il prenne son envol de façon à faire admirer les motifs colorés sur ses ailes ? D’aucuns auront remarqué avec ravissement que le papillon ne vole pas en ligne droite.