Suneung
6.4
Suneung

Film de Shin Su-Won (2013)

Peu attaché aux artifices de la forme quand celle-ci ne sert pas le fond, je ne vois pas ici l'intérêt de m'appesantir malhonnêtement sur des considérations techniques qui ne m'intéressent pas et que de toutes façons je serais incapable de décrire concrètement.
Ainsi, en tant qu'habitant du monde des idées, je suis littéralement resté silencieux durant les trente minutes achevant ce film si fort et si simple à la fois...

Nous plongeant au sien d'un lycée d'élite dans un pays où le passage à l'université est non seulement très important pour la réussite future mais aussi très loin d'être assuré (le fameux Suneung est présenté ici presque comme un rituel sacré), ce film Coréen retracera le parcours d'un jeune lycéen pauvre qui mettra le doigt dans l'engrenage qui s'actionne quand l'on devient convaincu que "la fin justifie les moyens".
Ici, le tragique de l'oppression parentale pour la réussite se superpose et de la sélectivité drastique se superpose à l'enfer du déterminisme social insurmontable (?). Non seulement la position sociale des parents influe grandement sur les "chances" de chacun, mais en plus les élèves se choisissent eux mêmes via tout un système de communication pour se maintenir dans la mythique "classe spéciale", classe très fermée réservée aux dix meilleurs élèves du moment...

Pauvre et isolé, notre héros comprendra vite que les seuls mérites personnels ne garantissent pas la montée dans l'échelle sociale du lycée. Ainsi, après avoir tout fait pour faire parti du système précédemment cité, il se rendra compte rapidement qu'il ne peut plus se contrôler en tant qu'homme et peut devenir une bête.

Subtilement et impitoyablement; Suneung nous plonge dans un univers et des histoires malsaines où des tabous (jusqu'au plus grave, celui du suicide) sauteront au fur et à mesure. La grande force du cinéaste dans ce voyage est de nous accompagner avec notre consentement dans cet engrenage vers des images que nous n'aurions peut-être pas acceptées dès le début du film. L'ambiguïté des (non ?-)sentiments et des personnages se cristallise également dans un jeu d'acteur juste et dans des procédés de film pertinent (le fameux film pris sur une caméra bas de gamme comme dans les films d'horreur, ambiance que reprend un peu Suneung sur la fin avec son ancienne chambre de torture devenue lieu de rendez-vous et ses dérives sectaires). En sus, il y a aussi ce sentiment d'étouffement et de peine en voyant les serres du monstre vivant dans cette école aux allures proprettes (avec la complicité de ses dirigeants) se refermer sur les personnages.

Après une bonne heure et demie, le final déjà annoncé une heure plus tôt se met en place, tragique mais étonnamment beau, reprenant cette métaphore astrale qui fait office de fil rouge au film sur le fond d'une musique magnifique et juste dans le contexte.
Sans doute extrême (dans une approche scientifique, c'est par les extrêmes que l'on met en évidence des variables pas forcément visibles sur un sujet moyen), ce film peut parler à beaucoup d'entre nous. Ces sentiments d'inertie, cette jeunesse trop vite confrontée à la froide réalité, d'impuissance, etc. je pense que tout le monde a pu les ressentir. Peu importe donc si quelques passages faisaient amateur, devant un tel film, il n'y a que son cœur à ouvrir. Voilà donc un chef d'œuvre pour ma part, de la trempe de ceux qui ont des choses à dire et non pas seulement à vendre.
Foulcher
8
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le 10 mai 2014

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Foulcher

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