J’avais gardé une profonde tendresse pour Super Nacho mais mes souvenirs remontaient à une quinzaine d’années quand on m’avait offert le DVD, un beau cadeau. J’ai mis quelques temps avant de me confronter sur le ring avec ma mémoire, un peu plus aguerri cinéphilement maintenant, en regardant à nouveau le film. Pas besoin de me faire un clé de bras pour que je me confesse : j’ai pris un immense plaisir à revoir Super Nacho, d’ailleurs si mal connu qu’il mérite bien une critique pleine d’amour pour le faire découvrir.

Dans un Mexique assez indistinct, entre les années 1950 et 1970, Ignacio est un moine catholique, une bonne patte assignée à la cuisine pour l’ordre et les enfants de l’orphelinat, mais insatisfait de ce qu’il peut offrir à la communauté. Il a depuis l’enfance une profonde admiration pour les catcheurs mexicains, les luchadores, mais la pratique est mal vue auprès de ses condisciples, notamment par la belle et pure Sœur Encarnación, nouvellement arrivée et qui ne laisse pas Ignacio indifférent.

Pourtant Ignacio a le sentiment qu’il peut devenir lui aussi un grand catcheur, rapporter de l’argent et le distribuer à ceux qui en ont besoin. Aidé d’un vagabond, Steven Esqueleto, les deux vont décider de devenir eux aussi des luchadores, le secret d’Ignatio sera protégé par son masque. L’un et l’autre sont assez mauvais, déterminés mais toujours perdants. Et pourtant le public les apprécie, ils vont ainsi se faire une place tant bien que mal et surtout mal. Mais dans la vie ou au catch le plus dur sera la chute.

Le film est basé sur une histoire vraie, qu’il adapte dans les grandes coutures de slip, celle du prêtre Sergio Gutiérrez Benítez dit « Fray Tormento », qui est monté sur les planches pour recueillir des fonds pour l’orphelinat qu’il dirigeait. Son histoire fut d’ailleurs adaptée une première fois en France en 1991 avec L’Homme au masque d’or, avec Jean Reno tout de même dans le rôle principal. Cocori-catch !

De l’autre côté de l’Atlantique, cette « nouvelle » version est écrite par Mike White, qui avait eu quelques beaux succès dans les années précédentes avec Orange County, The Good Girl ou Rock Academy, et réalisée par Jared Hess, dont le précédent et premier film, Napoleon Dynamite, est une comédie culte, grand succès aux États-Unis, et qui pourtant n’est même pas sortie dans nos salles obscures françaises. Scan-da-le !

Le prochain film de Jared Hess était donc attendu au tournant, du moins pour nos amis américains, et le résultat a pu décevoir, peut-être pour ceux qui attendaient un « Napoléon Dynamite 2 ». Nacho Libre, de son petit nom en VO, propose pourtant un film assez drôle et même assez doux, avec un petit coeur qui bat. Le frère Ignacio est ainsi un homme pétri de bonnes intentions, mais faillible, dont on ne sait encore jusqu’où sa détermination se confond avec l’obsession, jusqu’à la sortie de route que l’on pressent. Ignacio exprime d’ailleurs plusieurs fois ses doutes, notamment dans sa profession de foi, la belle nonne n’y étant pas étrangère. Là encore l’évolution de leur relation reste indécise, même si la conclusion se termine sur un happy end, certes de bonne morale, mais malgré tout libérateur.

Super Nacho n’est d’ailleurs pas ce genre de comédie américaine des années 2000 qui donne l’impression de prendre ses spectateurs pour des imbéciles, leur rappelant cent fois les implications de leur histoire. Le film de Jared Hess laisse parfois comprendre ce qui se joue devant eux, leur laisse imaginer ce qu’il pourrait arriver, afin de mieux s’accrocher aux destins de ces personnages principaux aux contours simples mais aux coeurs gros comme ça.

Le film a pourtant cette loufoquerie apaisée, celle de faire coexister tant bien que mal cet univers religieux et celui de la lucha libre (le catch mexicain), avec ses stars, ses coups, ses mises en scène. Une fantaisie de scène assez loin d’un certain ascétisme monacal, à l’image de cette soupe informe cuisinée par Ignacio avec les moyens du bord. Le Mexique présent est bien sûr embelli par les caméras hollywoodiennes, mais derrière les beaux paysages le film nous présente une pauvreté évidente, des gens qui ne mangent pas à leur faim, et pour qui la lucha libre est alors un divertissement qui fait rêver les plus pauvres.

Le film ne fait pas semblant et a bien été tourné au Mexique, très joli, avec des acteurs locaux (Ana de la Reguera, saisissante en sœur pure et innocente et pourtant charmante, ou Héctor Jiménez, très bon dans son rôle de compagnon et ami d’Ignacio) mais aussi des catcheurs du cru, dont le taureau Silver King (Ramses dans le film). Cependant, même si de nombreux affrontements parsèment le film, avec différentes techniques de catch utilisées, leur retranscription est un peu décevante, la faute à un montage un peu trop découpé pour chacune de ces actions.

Attention, Super Nacho reste une comédie américaine dont la réalisation est bien au dessus de la moyenne de l’époque, souvent plan-plan. Jared Hess est aussi bien doué pour présenter le cadre et le contexte du film que pour mettre en avant ses comédiens. Et s’il y en a un qui est bien au centre, c’est bien Jack Black, héros de ce film, seule tête d’affiche du casting, et qui en est aussi l’un des producteurs. Quelques plaisanteries un peu plus scato’ semblent être présentes pour faire plaisir à lui ou ses fans, mais rien de bien grave. Il retrouve le scénariste pour une troisième fois après Orange County et Rock Academy. L’acteur a alors la cote, la même année il joue aussi dans l’excellente comédie Tenacious D and the Pick of Destiny, partageant d’ailleurs le même comédien Troy Gentile pour le représenter enfant. Les deux films ont en commun un même thème, cher à l’acteur, celui d’une enfance tristoune qu’une passion va égayer jusqu’à ce qu’elle se révèle déterminante en grandissant. Sans aucun angélisme, Ignacio ou JB sont deux grands enfants, convaincus de leur bonne fortune et très motivés, mais dont bien peu de personnages extérieurs arriveront à leur reconnaître leur juste valeur. Deux personnages sympathiques mais entêtés, qui enjambent les échecs et les défaites.

Dans Super Nacho, la crainte aurait pu être que Jack Black fasse du Jack Black, les amateurs habitués des (ou exaspérés par les) exubérances de l’acteur comprendront, lui qui est parfois grimaçant et agité. Pourtant, et heureusement, il n’est pas laissé en roue libre, sachant se révéler sensible ou grotesque dans ce rôle qui demande les deux. Lors d’une excellente scène avec Sœur Encarnación, il s’exprimera avant tout par le regard que par un comportement ou des paroles exagérés pour laisser sortir ce qu’il peut exprimer. Lors d’autres scènes, c’est bien de son corps qu’il sera question, n’hésitant d’ailleurs pas à exhiber ses formes grassouillettes, dans un ridicule pleinement assumé. Mais sur le ring, Jack Black donne de sa personne, réalisant plusieurs des cascades. Comme son personnage, le comédien semble dire derrière ses pitreries, « ne me sous-estimez pas, j’existe ».

Comme dans Ready to Rumble (Brian Robbins, 2000), Super Nacho est une comédie prenant place dans le monde du catch, délivrant le même message bienveillant sur les amateurs de ce sport et spectacle. Mais Nacho Libre est bien au dessus, pour son cadre mexicain et son ton entre loufoquerie et douceur, et ses personnages hauts en couleur. Je suis soulagé de découvrir que le film que j’avais tant aimé il y a une quinzaine d’années est bien cette comédie dont j’avais le sentiment flou qu’il ne ressemblait alors guère à d’autres.

D’ailleurs, si son souvenir est resté aussi présent dans ma petite tête pourtant surchargée, c’est pour ces qualités, mais aussi pour sa bande son, composée de pistes crées pour le film et notamment par Danny Elfman et Beck, mais aussi puisant dans un juke-box de titres s’accordant parfaitement avec Super Nacho. Dont ce qui pourrait être le thème titre du film, au ton religieux et déterminé, Hombre Religioso (Religious Man) de Mister Loco qui est longtemps resté dans ma playlist, et dont la réecoute fut à nouveau un petit coup de tonnerre dans mon petit coeur.

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le 28 déc. 2023

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