Le Dernier Jour d'un Condamné
Dimanche dernier, un sens-critiqueur prénommé Alfred Tordu a osé attribuer la note de 6/10 à Supercondriaque, le symbole absolue de la dégénérescence du cinéma français et le responsable de son système financier qui donne toujours de faibles budgets aux œuvres de grandes envergures, et des millions au comédies bas de gamme. Bien heureusement ce dangereux psychopathe a été repéré par la patrouille du bon goût cinéphilique composé des sergents thomasete et Zoooran ainsi que du commissaire Bauer. Ces trois courageux personnages ont immédiatement interpellé l'individue et l'ont placé en garde à vue. Quelques jours avant que ne débute son procès, l'accusé nous a fait parvenir une lettre où il explique en détail les raisons de son geste. Il a tenu à ce qu'elle soit publié sur ce fameux site internet, là où tout à basculer afin d'opposer sa version des faits à ses attaquants. Voici ce fameux texte :
Mes chers amis, permettez moi tout d'abord de vous adresser mes plus plates excuses, oui je l'avoue, j'ai commis le pêcher ultime, j'ai aimé le dernier film de Dany Boon au point de lui attribuer la moyenne ! Je suis bien conscient qu'en faisant cela je perd toute crédibilité à vos yeux, que je rehausse la note de cette "purge", et que je passe définitivement pour le gros connard anti-conformiste de base à la Durendal. Mais je ne peux pas lui mettre une sale note juste pour vous faire plaisir. Je me dois d'être sincère, et de noter honnêtement ce film pour ce qu'il est réellement. Je vous jure que je m'attendais franchement à le détester, car tout puait la bousasse à plein nez dans ce long-métrage. Que ce soit son affiche des plus "épique", ses "formidables" comédiens, ou son "hilarante" bande-annonce, tout m'indiquait que Boon avait effectivement touché le fond et qu'il ne proposerait qu'une comédie franchouillarde de mes deux, débile, ringarde et sans originalité. Et bien il s'avère que c'est totalement faux. Sans être un chef d’œuvre, le réalisateur nous offre une comédie très divertissante, réalisée avec soin et surtout foutrement supérieure à ses concurrents du moment ! Je sais dit comme ça, cela semble bizarre, mais laissez moi vous expliquer.
L'une des choses qui m'avait le plus offusqué avant d'avoir vu le film, c'était son budget des plus faramineux : 31 millions d'euros ! C'est juste monstrueusement élevé pour une petite comédie tournant autour du thème déjà éculé de l'hypocondrie. D'autant plus lorsque l'on sait que 3 millions ont été directement reversé à Dany Boon. Mais au final il s'avère que ce n'est pas une petite comédie habituelle. Dany a eu les couilles de faire ce qu'aucun producteur actuel ne peut se permettre, en révéler le moins possible sur son film. Il sait pertinemment que les français l'ont à la bonne depuis Bienvenue chez les Chtis et que même si le film ne leur donne pas spécialement envie, ils se déplaceront en masse pour venir le voir, car ils lui font confiance. Résultat, alors que la BA t'annonce une histoire tournant autour d'un thème déjà vu et assez faible, le film part complètement dans une autre direction offrant aux spectateurs des moments de suspens, d'actions, d'aventures, d'horreurs et d'effets spéciaux hypers réalistes ! Les meilleurs gags ne sont pas dans la Bande-Annonce, c'est pour cela que celle-ci ne propose que des gags très moyens, pour laisser au spectateur le soin de les découvrir le moment adéquat et de profiter pleinement de sa séance. Et moi, perso je trouve ça génial. Qu'un film français arrive autant à me surprendre sur l'avancement de son scénario, je trouve ça jubilatoire.
Déjà une chose frappe dès le début du film, sa réalisation. Parce que oui, enfin Dany Boon fait de la mise en scène ! Finis les réals téléfilmesques dont il nous avait jadis habitués, désormais aidé par son confortable budget, il a maintenant les moyens de tous faire et s'en donne à cœur joie. On s'en rend compte dès le magnifique générique, qui a lui seul justifie l'addition finale. Boon arrive parfaitement à gérer les scènes purement comiques grâce à un montage rythmé, une variété des plans et des cadrages, et de sympathiques mouvements de caméras certes basiques mais très efficaces. De plus, le personnage principal étant un hypocondriaque, il s’amuse à filmer tous les gestes anodins du quotidien à la manière d'un film d'horreur pour marquer la vision de terreur de ce dernier. Enfin il donne par moments de purs instants épiques avec des scènes d'actions digne de 24h Chrono où ça pète dans tous les sens !
Cela est rendu possible par la tournure que prend le scénario au milieu du film. Jusqu'à présent on avait eu droit à une série de sketchs plutôt réussit dans l'ensemble, qui tournait exclusivement autour de ce que vous avez pu voir dans la bande-annonce. A savoir le mec hypocondriaque qui essaye de trouver une meuf en compagnie de son ami médecin qui peut plus le supporter. Sauf qu'au bout d'1h, Dany Boon va se faire passer pour un révolutionnaire russe afin de séduire la sœur de son pote Dimitri. Étonnement pas mal de monde ont été choqué de ce choix narratif, mais perso je trouve que c'est une idée brillante. Car d'une part ça surprend beaucoup le spectateur, ce qui comme je le rappelle est assez rare de nos jours, ensuite ça donne un nouveau souffle au film en lui rajoutant de nouveaux éléments comiques et enfin ça reste complètement cohérent avec le reste du film, puisque le personnage va devoir laisser ses phobies de côté s'il ne veut pas être repéré, ce qui l'oblige à évoluer faisant donc avancer l'histoire et les problématiques abordées. Encore une fois ce choix scénaristique profite grandement à l'histoire qui passe tranquilou de la comédie classique à la comédie d'imposture, afin d'arriver au film d'action pure. Tandis qu'un film d'1h40 ne tournant qu'autour de ce même thème aurait pu devenir vraiment très chiant à la longue.
Après, le long-métrage n'est cependant pas épargné de quelques défauts assez conséquents. L'un d'entre eux se trouve être le jeu d'acteurs qui est des plus inégale. Je vous prévient tout de suite si vous n'aimez pas l'acteur principal, il y a peu de chances que vous appréciez le film, car ici Dany Boon fait son Dany Boon et pas qu'un peu. Même moi qui suis d'ordinaire assez réceptif à son style, j'ai faillis péter un câble face à la lourdeur de son interprétation. Il est pas spécialement mauvais mais en fait beaucoup trop dans la grimace, les mimiques, et les tics vocales insupportables, ça frôle le sur-jeu à certains moments et ça nuit pas mal aux scènes à gros potentiel humoristique. Un exemple : On a un dialogue entre Merad et sa meuf qui parlent de ce fameux patient, les répliques sont drôles mais sont complètement gâchés par les réactions de Boon à quelques-unes d'entre elles qui multiplie les grimaces à la De Funès dans l'espoir de faire rire les trois gosses attardés au fond de la salle, qui seraient trop cons pour comprendre la subtilité des blagues.
Concernant son principal partenaire Kad Merad, c’est un peu mieux. D'ordinaire ce n'est pas un acteur que je porte particulièrement dans mon cœur, car je trouve qu'il ne fait qu'imiter les caractères qu'il doit exprimer sans pour autant vivre l'action et ressentir les sentiments joués. Ce qui donne des interprétations assez foireuses. Mais là vu qu'on est à Danyboonland et que le réal connait bien son interprète, il lui a permit de jouer la seule chose qu'il sache faire à la perfection, à savoir jouer le mec très excité qui peut dans la seconde avoir des moments de grande sérénité. Ça colle au personnage, et ça rend bien, donc rien à dire.
Par contre celle qui m'a cassé les couilles pendant le visionnage, c'est cette connasse Judith El Zein qui n'a à son actif qu'une seule expression corporelle : celle de l'emmerdeuse de base, jamais contente et qui passe ses journées à râler comme une morue. Et elle le fait de la façon la plus chiante qui soit. Contrairement à ce que pense les gens, ce n'est pas parce qu'un acteur censé incarner un mec chiant et insupportable arrive à être tout aussi détestable à l'écran que sa performance est réussit. Prenez Bengugui dans Le Prénom, c'est la chieuse de base, et pourtant quand tu l'a vois tu la trouve drôle et formidable, tu est subjugué par le talent d'actrice de cette femme et tu apprécie chaque minutes où apparaît. Alors que quand Judith est à l'écran j'ai subitement envie de devenir réalisateur, de faire un remake de Salo, et de la faire jouer dans le dernier tableau.
Heureusement, au beau milieu de ce champ d'acteurs moyens, se cache la perle rare. Elle s'appelle Alice Pol, je ne sais pas ce qu'elle a pu faire avant le tournage de ce film, mais en tout cas sa prestation impose le respect. Inutile de vous préciser qu'elle est très drôle et incarne son rôle avec beaucoup de conviction et de justesse. Mais elle effectue là un jeu si naturel, si sincère et si professionnel que ça en devient juste miraculeux comparé au reste du casting. C'est vrai, vu ses partenaires elle aurait très bien faire aussi le service minimum et s'en foutre, mais on voit qu'elle s'implique, qu'elle se donne à fond dans ce personnage, et le résultat est juste bouleversant. Une actrice est naît. Et si elle ne gagne pas le césar du Meilleure Espoir Féminin avec ça, ce sera clairement du boycott.
Pour ce qui est des autres défauts notables, on peut regretter par exemple que même si le scénario est remplit de péripéties et de rebondissements, l'histoire est quand à elle assez pauvre et pas assez approfondie. De même que les personnages qui sont réduis à de vulgaires stéréotypes et d'on la profondeur psychologique est beaucoup trop simpliste. De plus certains aspects du film font beaucoup cliché et sa morale finale m'a laisser dubitatif. En gros le bonheur selon Dany Boon c'est être marié et avoir des enfants, tu la sent la doctrine catholique bien pensante. Mais bon se sont des défauts largement compensés par la qualité du film en général.
C'est pourquoi messieurs il m'est impossible de mettre une sale note à ce film. Je refuse d'envoyer un long-métrage à l’échafaud sous prétexte qu'il est réalisé par tel réalisateur. Certes ce n'est pas un chef d’œuvre mais de tout façon il ne prétend pas en être un. Il veut juste être un bon divertissement familiale de bonne qualité, ce qui est un dessein honnête et bien réussit dans ce cas présent. Alors j’espère que vous comprendrez cette fois les raisons de mon geste et que vous ferez le nécessaire pour procédé à mon acquittement. Parce que je ne suis pas un contestataire, je ne suis pas un rebelle qui nique le système, ni même un troll. Seulement un gars qui assume ses goûts, et qui jugent sans aucunes formes de discriminations.