Quand le film est sorti en salles et que j’ai vu ces affiches dans le métro avec pour slogan "On veut du cul !", autant dire que j’ai été complètement accablé. A ce moment là, impossible de m’imaginer que je verrais le film quelques années plus tard, et que j’allais adorer.
C’est à l’époque où j’attendais Kick-ass comme je n’ai jamais attendu n’importe quel autre film que je me suis intéressé à ce que le cast avait fait avant. J’ai découvert l’excellent 500 days of Summer mais aussi Superbad. Je n’aimais pas (encore) les films de la bande Apatow ; je crois que j’avais seulement vu Anchorman, et j’avais trouvé ça nul (chose qui a changé depuis). Mais j’étais alors à la fin de mon adolescence, et Superbad est un film qui m’a parlé. Des gags m’ont fait éclater de rire, et surtout j’avais apprécié le fait que tout le film tourne autour d’un périple pour chercher de l’alcool, qui se transforme en quête presque épique.
Quand j’ai revu Superbad une deuxième fois, il y a quelques mois, et une troisième fois la semaine dernière, certes j’ai toujours hurlé de rire face à l’immaturité ou au contraire l’intelligence relative de certains gags, et le talent de Seth Rogen, Bill Hader et Jonah Hill pour l’improvisation qui donne des répliques hallucinantes, mais surtout j’ai été surpris par une certaine "profondeur" que je n’avais pas remarqué jusque là.

Je n’ai jamais vraiment grandi, et l’adolescence est la période de la vie dont j’aime le plus voir une représentation au cinéma. Il y a quelques années, j’avais même carrément passé des semaines à regarder uniquement des teen movies, jusqu’à l’overdose.
Ce qui m’a frappé en revoyant Superbad, c’est l’authenticité qui s’en dégage, à travers des situations ou des personnages qui évoquent tellement du vécu (McLovin le boulet avec qui on traîne par défaut ou par nécessité ; ce type tout seul à la cantine ; la copine de Jules qui reste sur le côté quand cette dernière parle à Seth, et qui n'intervient que pour s'assurer que le héros pourra leur fournir de l'alcool, …), et des acteurs qui arrivent parfaitement à reproduire une maladresse propre aux ados. La façon dont Evan parle à Becca, ou Seth à Jules, ce mélange de gêne et de tentative d’être drôle ou cool, qui échoue la moitié du temps, fait tellement vrai.
Les personnages doivent leurs prénoms aux scénaristes, Seth Rogen et Evan Goldberg, qui ont commencé à écrire Superbad quand ils n’étaient qu’ados, et quand on sait ça, on comprend mieux toute cette débauche de vulgarité dans les dialogues (une vulgarité parfois très inventive : "You don't want girls to think you suck dick at fucking pussy." ; ça c’est du génie) et cette obsession pour le sexe, thème omniprésent.
Mais en même temps, je trouve Superbad plus mature que n’importe quel autre film de la clique Apatow que j’ai vu depuis. J’aimerais reprendre une citation d’un critique du NY times à propos de Clerks II : "it has a dirty mind, but its heart is pure". En effet, Superbad est un teen movie au langage grossier mais avec un cœur, une âme.
Ce que je lui trouve de remarquable en premier lieu, c’est d’avoir réussi à traiter d’un thème peu commun au cinéma, par le biais de ces deux héros, meilleurs amis qui arrivent à la fin de leurs études en commun et qui, pendant tout le film, nient qu’ils vont se manquer une fois qu’ils seront à l’université. Alors que la grande majorité des films parlent de rapports amoureux, il est extrêmement rare de voir une "simple" amitié traitée ainsi, au point de fournir au film un de ses principaux enjeux dramatiques. Dans un autre film, ça aurait pu sembler cucul, mais c’est peut-être le fait que Seth et Evan passent tout leur temps à l’écran à courir après des filles, à jurer et à tenir des propos obscènes que ça n’en est pas du tout gênant de les voir, à la fin, se dire "I love you".
Le thème de la bromance est récurrent dans les films de Seth Rogen, mais par la suite ça a toujours été traité avec dérision, comme dans This is the end où la chanson "I will always love you" apporte un gros décalage et est là comme pour dire "Mais non, on rigole", comme si les scénaristes n’assumaient plus leur amitié purement masculine.

Ce que je trouve très fort également, c’est cette morale qui aurait pu être ultra niaise que le film arrive pourtant à faire passer sans problème. Durant 1h30, Seth et Evan cherchent de l’alcool, comme si leur vie en dépendait, étant convaincus que c’est ce dont ils ont besoin pour se mettre en couple avec les filles qui leur plaisent… et en fin de compte, le film présente une leçon sur la confiance en soi ; même dit comme ça, ça fait niais, mais Superbad arrive à amener ça tout à fait naturellement.
En réalité, en dépit de la beauferie apparente de Seth et Evan, qui ne parlent que de se taper des meufs et dont les blagues tournent essentiellement autour du sexe, ils ont en eux une certaine sensibilité, dissimulée sous ce qui est, en fait, le comportement de n’importe quel adolescent.
J’ai trouvé la séquence de fin de Superbad tout à fait brillante, apportant une jolie conclusion à la fois à l’histoire de la séparation entre Seth et Evan et celle de la conquête de Jules et Becca. La lenteur de la scène n’est nullement dérangeante, elle est tout à fait appropriée, à la fois pour représenter la gêne des personnages et pour leur donner le temps d’accepter d’aller de l’avant, de grandir, symboliquement.

Ce qui m’a plu dans Superbad était annonciateur de ce que j’allais totalement adorer dans la série de Judd Apatow "Freaks and geeks", que je recommande fortement.
Des films comme 21 jump street, Get him to the greek ou This is the end ont beau m’avoir fait, eux aussi, hurler de rire, je regrette toujours qu’aucun d’eux, depuis Superbad, n’ait eu ce petit plus, ce sérieux dans le traitement des relations entre les personnages, qui aurait pu les élever à un niveau supérieur.

PS : Dans les bonus du DVD de Superbad, il y a tellement d’éléments annonciateurs de la suite de la carrière de trois des acteurs :
-Christopher Mintz-Plasse qui dit "I'm ready to kick ass".
-Seth Rogen qui fait référence (volontairement ou non ?) à Clerks, et qui a ensuite joué dans un film de Kevin Smith.
-Michael Cera qui est interviewé par Edgar Wright.

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le 22 mars 2014

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Wykydtron IV

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