Lorsque l'enseignement secondaire touche à sa fin, le jeune étudiant que l'on est peut vite prendre peur : l'arrivée à l'université ou bien l'immersion directe dans le monde du travail font partie des durs choix à faire pour entrer dans le monde des responsabilités. Mais ce qui est sans doute le plus dur, c'est de se dire au revoir. Arrivé en dernière année, on a ses potes et on espère qu'on le restera toute sa vie. Souvent on essaie coûte que coûte de le rester, on se revoit dès les premières vacances. Malheureusement les chemins de vie sont nombreux et ce qui peut lier durant l'adolescence peut perdre en légitimité face au cotoiement de nouvelles personnes liées à un véritable centre d'intérêt. Ainsi les liens se défont malgré nous. Les plus nosalgiques se souviendront aisément des moments forts de cette époque révolue. Ils la regretteront et se sentiront d'autant plus coupables qu'ils aiment leur nouvelle vie, leurs nouveaux copains. C'est comme être infidèle. Mais je pense que le plus douloureux, c'est le moment où l'on est toujours avec se svieux copains, avant de recevoir son diplôme : on sait déjà le sort qui nous réserve, mais on fait semblant de rien, on essaie même de retenir ce moment le plus longtemps possible. Mais ce qui doit arriver arrive. La séparation d'une amitié dont on se souviendra toujours avec des petits picots dans le coeur.
"Superbad" traite admirablement bien de cet instant, mêlant l'insouciance d'une jeunesse et le début d'une réflexion. Ces petits jeunes sont terriblement humains dans le sens où les auteurs ne fantasment pas leur comportement. C'est gras, c'est vulgaire, c'est con... mais c'est un peu comme ça qu'on était. En tous cas moi je l'étais. Je parlais de cul tout le temps. J'étais puceau. J'étais un loser. Mais ce n'est pas seulement le sujet qui m'a touché. C'est aussi la construction dramaturgique. Les deux auteurs prennent leurs aises pour ce premier scénario (écrit entre 13 et 15 ans) en accumulant les longues tirades, des dialogues qui n'en finissent pas, empreint d'une certaine subtilité au travers de cette apprente grossièreté.
Côté vulgarité, on est bien servi, mais c'est bien traîté. J'aime l'humour gras comme n'importe quel type d'humour. Et je n'aime pas une blague lorsqu'elle reste traitée superficiellement, et ce peu importe le niveau. Montrer juste un personnage qui pète, c'est peu drôle. Jouer avec le contexte, avec la mise en scène, c'est déjà plus parlant.
Narrativement, l'histoire est très épurée. Des objectifs principaux assez simples permettent de vite situer les enjeux. Ces enjeux surprennent d'aillurs puisqu'il s'agit d'amitié et non d'une histoire d'amour traditionnel. D'ailleurs les auteurs ne s'ennuient pas à semer d'embûches le chemin de la drague ; dès le début le spectateur est averti, nos deux larrons ont toutes leurs chances avec les deux jolies demoiselles. Ce qui compte, ici c'est de parler de cette fameuse séparation. Et en cela les conflits sont très bien pensés. Mais les personnages féminins servent malgré tout à quelque chose : elles sont prétexte à donner de l'action à enclencher les conflits entre les deux jeunes hommes.
Greg Mottola est un bon réalisateur de comédie : il sait s'effacer au profit de son histoire ; ainsi sa caméra reste toujours discrète, les mouvements de caméra semblent naturels, si pas, c'est uniquement dans l'intérêt d'un gag et donc du scénario. Le réalisateur réussit le tour de force de se réapproprier le scénario, d'y amener sa touche rétro personnelle. De même, visuellement, même s'il est au service de l'histoire, il propose toujours des angles de vue sympathique, ainsi quelques petits moments très touchants éclosent devant nos yeux (je pense notamment à cette scène où Evan se réveille dans les bras de Seth). Enfin les acteurs sont très bons : on retrouve la bande Apatow avec plaisir, Jonah est vulgaire sans jamais déplaire, Michael fait son bênet avec son tact habituel, les gonzesses sont canons et marrantes (elles ne se laissent pas bouffer par les mecs), les seconds rôles sont un pur plaisir.
Bref, "Superbad" est une comédie US comme je les aime, avec un fond, des gags creusés, une mise en scène à la fois modeste et solide. J'ai donc passé un excellent moment devant ce film, comme à chaque fois que je le (re)vois.