Superstar par Patrick Braganti
La folie médiatique et le besoin pour le peuple à aimer puis brûler des idoles, hier religieuses, aujourd’hui païennes sous nos cieux, sont devenus des marqueurs incontestables de notre société contemporaine – évolution parfaitement théorisée par Guy Debord il y aura bientôt quarante ans dans La Société du spectacle. Autant dire que nous avons intégré de gré ou de force ce phénomène sociétal qu’accompagnent en toute logique le cynisme ambiant et le zapping permanent. Comment donc Xavier Giannoli allait-il traiter de cela en adaptant le roman de Serge Joncour (L’Idole) ? D’une manière hélas sans grande invention, brassant jusqu’à la nausée les pires clichés : producteur désabusé couchant avec sa collaboratrice, animateur sans culture frayant avec les milieux interlopes d’un côté, populace vulgaire et grégaire de l’autre : on ne sait dans cette avalanche de lieux communs lesquels sont les plus détestables. Le héros très kafkaïen d’une aventure qui tourne au cauchemar s’avère donc un innocent, une sorte d’idiot à la Dostoïevski, dépassé et effrayé par ce qui lui arrive dans un premier temps, adulé avant d’être violemment rejeté. Une destinée à la fois incroyable et excessivement banale (l’adjectif a son importance et renvoie de manière probablement fortuite à ce qui sous-tend dorénavant l’attitude du nouveau chef de l’État français) dans son déroulement prévisible. On regrette ainsi que Xavier Giannoli s’intéresse davantage au pourquoi et néglige du coup le comment. Nous sommes prêts à accepter le postulat de départ : une célébrité soudaine et incompréhensible qui tombe un beau matin sur le dos voûté du transparent Martin Kazinski (Kad Merad offre une interprétation honnête dans sa modestie et la peur qui l’envahit et le submerge progressivement). Mais nous serions plus captivés si le réalisateur nous faisait rentrer dans la conscience malmenée et ébranlée de son héros qu’il se contente trop de filmer poursuivi ou dans ses participations télévisuelles. Ces séquences répétitives indiquent en creux l’attrait curieux pour le milieu agité et terriblement vain du cirque médiatique et, au final, les coulisses du talk-show ne deviennent qu’un labyrinthe sans surprise où se multiplient des scènes sans le moindre intérêt (la course pour dénicher un mouchoir en papier est un sommet de ridicule). Si on oblitère une fin passablement ratée, on pourra néanmoins sauver le dernier tiers du film : la chute de Martin Kazinski révèle de façon abrupte l’absence totale d’intégrité, le nombrilisme calculateur et la cupidité manœuvrière qui règnent en maitres éhontés sans que cela ne semble poser le moindre état d’âme à qui que ce soit. Croire l’inverse eût été naïf et puéril, et le film tourne évidemment le dos à l’angélisme béat. Dommage qu’il propose une réflexion certes énergique, mais qui sent le réchauffé, sur la vacuité et l’imposture intellectuelle qui caractérisent dorénavant les sociétés modernes.