First Reformed, injustement traduit en un "Sur le chemin de la rédemption" qui dépouille le titre de toutes les intentions dont fait preuve le film, est une oeuvre jalonnée de pessimisme et d'inquiétude. Son absence de sortie sur nos grands écrans appuie cette idée de téléfilm un poil mielleux et fataliste.
Pourtant il n'en est rien.
Ethan Hawke y incarne avec une tristesse calcifiée, Toller, un aumônier embourbé dans une vie qui ne semble avoir plus rien à lui offrir, aussi bien physiquement que spirituellement. Il est visiblement diminué par une maladie dont on ne connait que les symptômes, urine rouge et vomissements qui ne laissent présager rien de bon, et son visage quasiment dénué d'expressions ne s'illumine plus lorsqu'il joue son rôle de phare dans la vie de ses fidèles ou qu'il s'improvise guide touristique désincarné de sa paroisse pour de rares visiteurs.
On pourrait penser que l'écriture du journal personnel dans lequel il s'est lancé cristallise une volonté de laisser un ultime témoignage, une trace. Mais il n'en est rien car très rapidement, Paul Schrader, aussi scénariste de son film, dévoile l'intention de son personnage de brûler ces écrits, marqueur fort de la désolation intérieure d'un homme qui n'attend plus grand chose de la vie.
De ce postulat, c'est un film froid qui se déroule sous nos yeux. L'espoir n'y a que très peu de place mais face à cette ambiance mortifère constante, qu'il s'agisse de constat globaux (le futur de l'humanité face au réchauffement climatique) ou plus intimes, subsiste perpétuellement une légère branche à laquelle se raccrocher dans la chute destructrice de la psyché d'un homme déjà brisé. Elle est identifiable, comme une faible lueur dans une obscurité pesante, mais si éloignée qu'on ne s'y rattache pas. Et ainsi, First Reformed pèse de tout son défaitisme à chacune de ses scènes.
Le film évoque avec justesse des sujets d'actualités, sans les porter en étendard en les liant étroitement à une intrigue qui se révélera au fur et à mesure des minutes, presque naturellement, sans effets de style ni présentation aguicheuse. Et lorsque l'image se fait rarement glaçante à travers les corps mutilés, elle ne fait que lever le voile sur l’abdication que l'absence de sens et de réponses peut entraîner.
First Reformed se mâche lentement, attentivement, au rythme de ses plans fixes, de ses travellings lancinants, et les essences de tristesse et de résignation qu'il dépeint ne révèlent leur force qu'à posteriori. Ethan Hawke y est brillant d'incertitudes.
Un film qui malgré sa sobriété ne laisse pas indifférent. Seule sa fin, à la fois prévisible et surprenante peut dérouter. Paul Schrader a fait un choix qui peut sembler être le mauvais mais à bien y penser, aussi déroutant qu'il puisse être tant il contraste avec l'ensemble, il n'est que le reflet d'une possibilité dans une apothéose à la mesure du ton général du film.
Une oeuvre pudique et touchante dont l'austérité peut paraître rebutante, d'une tristesse parfois nerveusement drôle, qui sait se faire puissante sur le retour.