Après avoir réalisé Vicky (en 2016) et Mystère (en 2021), Denis Imbert adapte dans ce film et avec fidélité, le récit autobiographique éponyme du célèbre écrivain aventurier Sylvain Tesson, volontiers "stegophile" (passion pour escalader les toitures et s'y promener) depuis son adolescence.
Centrée sur un Jean Dujardin omniprésent, cette histoire nous montre un homme seul au monde, à pied en pleine nature, dans sa "diagonale du vide" de 1300 kilomètres, du Mercantour aux plages du Cotentin.
Dans le film, Jean Dujardin joue le rôle d'un écrivain à succès et plutôt vaniteux, Pierre Girard, grand aventurier, randonneur et montagnard aguerri. Facilement éméché, cet auteur s'amuse à escalader les façades des immeubles et fait une chute accidentelle de 8 m en rejoignant l'appartement de son meilleur ami, ce qui lui coûte presque la vie.
Sauvé mais perclus de douleurs et de fractures diverses, Pierre décide de se lancer dans cette longue marche solitaire et intime, à des fins de rééducation, mais aussi de rédemption, un pari égoïste, au mépris de sa famille, de ses amis, et même de sa compagne (Joséphine Japy), attachante, comment peut-il s'en désintéresser ?
Démarrant tout de suite dans les magnifiques paysages montagneux du Mercantour, puis suivant cette diagonale de nature sauvage, nous montrant aussi la ruralité de la France profonde, la construction du film est intéressante puisqu'elle offre des flashbacks sur la vie de Pierre précédant son accident, apprenant à le connaître, ainsi que son entourage.
Par contre la voix off de Jean Dujardin, dans ces paysages, avec un discours philosophique, souvent banal sur l'hyper-ruralité et l'écologie ("Le progrès est peut-être le développement d'une erreur"), et manquant de cohérence dans les idées, finit par perdre le spectateur sans nous faire vraiment comprendre le personnage et ses motivations profondes. Ainsi notre héros cite-t-il d'abord Napoléon : "il y a deux sortes d'hommes, ceux qui commandent et ceux qui obéissent", et Pierre de rajouter : "il y a ceux qui fuient", pour se qualifier lui-même, ce qui donne le ton du film et de son comportement.
Alors on se dit que ce serait l'occasion pour Pierre de faire de belles vraies rencontres loin du monde et ainsi lui permettre de se dévoiler ? Sur ce plan, le film aurait gagné à s'éloigner du livre, car, peu nombreuses, ces rencontres sont superficielles, empreintes même de vacuité, ne durent pas, et pire témoignent d'un égoïsme à poursuivre sa route coûte que coûte : une vendeuse de fromage éconduite, une halte dans un monastère, la visite chez sa tante (Anny Duperey), qui vit mal la perte de la mère de Pierre (dont il détient cette fameuse lettre au fond de son sac), de rares villageois ou paysans, un jeune marcheur avec qui il fait un bout de chemin mais qui ne peut comprendre ses propos philosophiques, son meilleur ami qui le rejoint quelques jours (Jonathan Zaccaï, dévasté) et sa soeur (Izïa Higelin), avec qui le réalisateur nous offre sans doute le passage le plus authentique autour de leur mère disparue.
Mais finalement quel message nous délivre-t-il et quelle est la nature de la guérison qu'il obtient ainsi quand on le voit en larmes sur les belles plages du Cotentin ? Et comment va-t-il ensuite revenir à la vraie vie et avec ses proches ? Autant de questions qui restent ouvertes !
Certes nous traversons de magnifiques paysages de la France profonde (et d'ailleurs on nous indique régulièrement où nous sommes comme dans un guide), cela aide certainement à passer un moment agréable.
Cette réalisation montre la difficulté d'adapter au cinéma un livre aussi personnel, même d'un personnage aussi passionnant que Sylvain Tesson, surtout quand on veut en rester très proche !
Heureusement, nous sommes en compagnie d'un excellent Jean Dujardin, qu'on sait amateur de randonnée dans la vie, mais il faut l'aimer pour apprécier le film !