Au départ, je n'aimais pas trop ce film surtout pour sa fin qui place le personnage de Terry Malloy incarné par Brando un peu comme un héros christique qui met un terme à l'activité du syndicat des dockers. Dans la réalité, ce combat devait être beaucoup plus difficile, la puissance des syndicats (comme celui des routiers) étant telle qu'un petit employé ne pouvait pas par sa seule volonté en anéantir les fondements. Et puis au bout du compte, je me suis rendu compte qu'au cinéma, tout est possible et qu'il faut parfois accepter certaines choses, et le film dégage une puissance incroyable, le sujet est fort, et le rôle de Brando est fort. Même s'il abuse toujours de ses tics d'acteur, en adepte de la fameuse "méthode".
En choisissant de tourner son film à New York, sur les lieux de l'action, en pleine activité (des mecs chargeaient les bateaux et ça filmait), plutôt qu'à Hollywood dans un studio bien équipé, Kazan a réussi à choper une indiscutable authenticité, mais tout en montrant la vie dure de ces gars qui gagnent quelques dollars pour un boulot pénible, le film n'est pas pour autant un réquisitoire contre la corruption qui règne sur les docks newyorkais, Kazan s'intéresse à d'autres thématiques, notamment des moments de sensibilité symbolisés par la fameuse scène des pigeons avec Brando et Eva-Marie Saint.
L'efficacité du film tient aussi à sa formidable interprétation, dont celle de Brando laisse une marque (diction, démarche, regards, tendresse), mais le reste du casting est de première force, avec des acteurs comme Karl Malden, Rod Steiger et surtout Lee J. Cobb, acteur spécialisé dans les rôles de sublimes crapules (comme ici, Johnny Friendly, patron du syndicat) et de forts en gueule qui éructe ses dialogues avec rage (rappelez-vous ses scènes de gueulard dans 12 hommes en colère).
L'ennui avec ce film, c'est qu'il est difficile de ne pas remarquer qu'il pose le problème de la délation et de la trahison à une époque où en Amérique, on était en pleine "chasse aux sorcières", et que Kazan ayant figuré parmi les témoins passant devant la commission des activités anti-américaines, a fini par balancer tous ses potes communistes. Le film fut d'ailleurs reçu au début par des réactions violentes et vu comme une apologie du mouchardage ainsi qu'une agression contre les syndicats persécutés par le MacCarthysme, avant de récolter un succès critique et une pluie de récompenses (dont 8 Oscars, peut-être un peu trop selon moi, mais bon...) Bref, en dehors de ça, il faut d'abord y voir un film très réaliste dont la puissance dramatique n'a rien perdu de son impact.

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le 16 mai 2019

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Ugly

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