Génial ! C'est un de ces films débarqués d'on ne sait quelle galaxie, qui semble parfois même en dresser le folklore, léger et hilarant tout en étant parfaitement profond, pertinent à l'aune de notre réalité même si elle en est tout à fait dissociée. C'est d'autant plus le cas ici que le métrage est hypersexué : tout n'y est pas sexe, néanmoins c'est la finalité à tous les étages. On y trouve un cinquantenaire poursuivant ses rêves, aimant les plus éprouvants qu'il veut entretenir ; incapable par ailleurs de débloquer sa sexualité et enfermé dans un couple morose avec une femme aigrie.


L'ensemble est inauguré par une sorte d'avant-propos absurde, comme dans Alice ou Lunacy où Jan Svankmajer intervenait déjà en personne. Il annonce une « comédie psychanalytique » : forcément puisqu'il y aurait une psychanalyste dedans (et une sorte de comptable au faciès freudien). Mais Svankamjer a beau jouer les faux nuls ramant faute de mieux, Survivre à sa vie est un sommet, où son imaginaire s'épanche avec la plus grande cohérence et, notion chérie, la plus grande liberté.


Farce excentrique et onirique, Survivre à sa vie s'inscrit accessoirement dans la filiation du surréalisme, appliquant sa méthode introspective à la manière de l'ancien marionnettiste. Mieux, c'en est une révision ludique. Jouant du conflit entre Freud et Jung (leurs tableaux se font la guerre dans l'appartement de la psychanalyste), le film affiche le côté grotesque et les interprétations exaltées et réductionnistes de la psychanalyse freudienne, dont le compte-rendu toutefois touche la vérité, simplement la traduit avec ses totems. La cécité intellectuelle mais aussi la pruderie revendiquée de Freud sont révélées. En même temps, Survivre à sa vie exalte la richesse de la recherche psychanalytique et de la lecture des messages du subconscient. Même s'il s'en moque doucement, il valide la mise en perspective selon laquelle « vous êtes heureux, mais votre subconscient ? ».


En marge, pour ce cinéaste longtemps contrarié, comme ses homologues, par la censure communiste en tchécoslovaquie, il y a la vision sarcastique d'une société aux accents totalitaires joyeux et absurdes, où la sexualité est rationalisée et en même temps livrée à l'anarchie, où les beaux moments sont applaudis par des mains géantes. Toutefois cette dimension critique est presque dépourvue de condescendance spirituelle, de pessimisme ou d'humour noir, les ingrédients habituels. Avec Survivre à sa vie, Svankmajer est devenu un misanthrope indulgent et romantique. D'ailleurs il s'intéresse maintenant plus aux personnages qu'aux objets (bien sûr il les fétichise avec ces abondants gros-plans sur les bouches) et ce sont bien les premiers qui ici se transforment en continu – et en plus ils parlent, ils n'arrêtent pas ! Enfin il se permet un emploi généreux de la musique – toujours la même, certes, mais parfaitement exploitée. Dommage qu'à partir d'un certain stade, les redites et surtout la nonchalance du scénario brisent un peu le rythme et l'exaltation d'une telle découverte. Un peu. C'est tout de même Amélie Poulain sévèrement corrigée par un South Park mélodramatique, aussi on en garde des impressions durables.


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le 26 sept. 2013

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