Depuis Alice (son premier long métrage sorti à la fin des années 80) Jan Svankmajer n'a eu de cesse de penser le cinéma en termes de collages et de matériaux malléables tout en insufflant à ses histoires une bonne dose d'étrangeté. Réalisateur talentueux voire génial, excentrique, monteur chevronné et narrateur définitivement original Svankmajer reste sans nul doute le chef de file du cinéma surréaliste contemporain, digne héritier de Luis Bunuel et de Salvador Dali...
De ce film étonnant que Jan Svankmajer qualifie lui-même de "comédie psychanalytique" nous retiendrons pléthore d'images saisissantes et minutieusement travaillées par le cinéaste tchèque. Nous tenons là un objet plastiquement superbe et complexe qui trouve une belle adéquation entre sa forme et son contenu, une véritable mise en images du processus onirique. Surviving Life retranscrit au travers du personnage d'Eugène la logique d'un rêve assurément névrotique, cocasse et torturé tout à la fois. Dépeignant avec talent une longue séance de psychanalyse entrecoupée d'intermèdes fantasmatiques et sexués Svankmajer en profite pour pousser la provocation à son paroxysme en plaçant cette farce thérapeutique sous le regard malicieux des portraits de Sigmund Freud et de Carl Jung. Le film est visuellement libre et très abouti techniquement, parfois trash et dérangeant, iconoclaste même...
Sans atteindre l'excellence d'un film comme Alice (qui reste probablement la meilleure adaptation cinématographique du roman psychédélique de Lewis Carroll) Surviving Life s'avère toutefois surprenant et envoûtant, séduisant à l'oeil ainsi qu'à l'oreille. Le leitmotiv musical, valse aux couleurs dérisoires, participe à sa façon à l'immersion du spectateur dans ce conte incongru mais quasiment jubilatoire. Comme un rêve le film fonctionne par résonances et rapprochements, images mentales, à-coups symboliques et répétitions. C'est à ce niveau une oeuvre homogène, atypique et cohérente avec son sujet. A voir absolument !