Jan Švankmajer fidèle à lui-même : à la fois extrêmement perché et particulièrement soigné (le travail de collage / montage nécessaire pour produire 1h50 de film doit être titanesque), du délire visuel tenace qui assomme dès le début et auquel il faudra s'habituer au risque de passer un mauvais moment, et de mon côté toujours ce sentiment que le réalisateur tchèque et un génie dans son genre dont l'art est beaucoup plus approprié au format court qu'au long.
"Survivre à sa vie (théorie et pratique)", sur le plan technique, regroupe deux types de narration : de l'animation pur jus, avec ce travail de la matière caractéristique de son style ici au moyen de photos découpées et pimpées, et des séquences "normales" qui viennent de temps en temps en complément. En fait c'est bien la forme qui frappe le plus fort et qui attise la plus grande part de curiosité, rendant presque marginal tout ce qui a trait à l'histoire... qui raconte comment un homme est en peine à cause d'une fausse double vie, malmené par celle qui peuple ses rêves et dans laquelle il est marié à une autre femme.
On nage comme attendu en plein surréalisme, ici accompagné d'une très forte dose de psychanalyse (la plus forte il me semble chez Švankmajer) à travers le personnage de la psychanalyste (chez qui les portraits de Jung et Freud se foutent sur la gueule) qui accompagne le protagoniste et l'aide à décrypter ses rêves et investiguer dans son subconscient. On peut très bien se contenter du spectacle, succession de sketches tous plus bizarres les uns que les autres qui oscillent autour d'un niveau nominal de grotesque particulièrement élevé — il faut être capable de l'encaisser, un tel mélange de délires freudiens, dadaïstes et kafkaïens, ce n'est pas rien. Au bout d'un moment, ces montages à base de têtes de poulets (symbole maternel in fine, en lien avec celui de l'œuf) finissent par faire le même effet qu'une grosse consommation de drogue hallucinogène. La trame de fond importe peu au final il me semble, les problématiques sexuelles envahissant la vie du héros étant très vite complètement phagocytées par l'emprise graphique du film.