En ce qui concerne le genre cinématographique, si nous devons parler d’un « Maître » de l’art du style et de la mise en scène, le premier nom qui vient en tête, c’est Sir Alfred Hitchcock. Mais qu’en est-il pour les films d’animation japonaise ? Pour ma part, je pense qu’une seule personne est apte à prétendre au titre de « Maître ».
Monsieur Makoto Shinkai. Bien entendu, je ne me prétends pas spécialiste analytique de la japanimation japonaise. Mais étant donné que j’en ai regardé beaucoup, et bien entendu que je continue d’en regarder, je trouve que Mr Makoto est de loin l’auteur qui a le plus sublimé, avec un maximum de détails, et bien souvent rendu la frontière entre réalité et animation floue tant il y a de détails dans ses œuvres. Si je devais citer un exemple pour appuyer mes propos, bien que « méconnu » du grand public, ce serait l’immense The Garden of Words.
Les paysages, la météo, la musique… Tout est d’un réalisme tel qu’on se croirait vivre en même temps que les personnages. D’ailleurs, en passant, celui-ci est mon plus grand regret de ne pas l’avoir découvert sur grand écran.Pour les plus sceptiques, cela ne suffirait sûrement pas à considérer Makoto Shinkai comme un maître. À mon sens, il suffirait d’aller voir ceux qui ont déjà vu ses œuvres. Le spectateur néophyte ou consommateur confirmé de films d’animation japonaise sera dans une très grande majorité d’accord pour affirmer que personne n’est au-dessus de Monsieur Shinkai.
Cependant, il serait légitime de se demander pourquoi un tel engouement à l’égard d’une seule personne, puisque les grands noms de l’animation japonaise ne manquent pas : Hayao Miyazaki (Princesse Mononoké), Isao Takahata (Le Tombeau des lucioles), Shinichirô Watanabe (Cowboy Bebop : le film), et bien d’autres…Ce n’est qu’un avis personnel, mais je trouve que la suprématie quasi incontestée de Makoto Shinkai s’explique par le réalisme presque omniprésent dans ses œuvres, notamment à travers ses paysages, ses objets du quotidien. Mais si on devait n’en retenir qu’un :L’animation de Tokyo, qui est à la fois d’une fidélité perfectionniste tout en possédant un sens du détail qui nous fait découvrir le Japon d’une sublime manière sans pour autant s’y rendre soi-même. Au point que quasiment tous les lieux du film existent en réalité ! Si vous ne me croyez pas, je vous invite à aller sur YouTube. Les vidéos de personnes se rendant au Japon et comparant ces lieux avec ceux retranscrits en animation ne manquent pas. Au point que vous serez bluffés tant la ressemblance et ces détails sont saisissants.
D’un autre côté, ce que je trouve tout aussi fascinant, c’est l’avis qu’on peut avoir en tant que spectateur. Qui, à mon sens, peut être divisé en deux. Soit nous suivons le voyage de nos protagonistes avec cette petite boule dans le ventre lorsqu’ils sont en danger ou que l’atteinte d’un « objectif » semble périlleuse, voire irréalisable. Ou soit, le spectateur sera très terre à terre et analysera constamment les thématiques sociales propres aux Japonais, tout en étant émerveillé par le réalisme des paysages et des bandes sonores de la nature, magnifiquement retranscrits au point de fissurer la frontière entre réalisme et animation.Bien entendu, je pourrais continuer sur cette lancée et parler du style propre à Makoto Shinkai. Mais il est temps de s’attarder sur le point central de cette critique. Trois ans après Les Enfants du temps, celui que je considère comme le maître de l’animation japonaise nous accorde le droit d’admirer son 7ᵉ long-métrage.Ce dernier, sobrement appelé Suzume, prendra pour la toute première fois le nom de son personnage principal comme titre de film.
Je ne m’attarderais pas forcément sur l’histoire en elle-même ni sur ses personnages. C’est intéressant, puisque contrairement à l’accoutumée, nous avons un trio au lieu d’un duo. Mais au cours de cette séance, ce ne sont pas les personnages ni leurs relations qui m’ont frappé en premier.Ce qui m’a sauté aux yeux en premier lieu, ce sont les catastrophes naturelles qui ont été utilisées comme intrigue principale. Bon, en réalité, le film se concentre en particulier sur les tremblements de terre, catastrophes qui traversent le Japon depuis des siècles. Façonnant indirectement l’histoire japonaise et jouant aussi leur rôle sur les mœurs en vigueur. Au point que ces derniers sont ancrés dans la façon de penser des Japonais et Japonaises.
Pour eux, avoir un tremblement de terre est anodin.
Pourtant, à de multiples reprises, ces tremblements de terre bouleversèrent leur quotidien, les poussant à migrer, laissant parfois absolument tout ce qu’ils possédaient derrière eux. Ainsi que, dans le plus tragique des cas… des proches.Ceci est parfaitement retranscrit par ce long-métrage d’animation à travers des échos du passé mais surtout par des lieux abandonnés qui laissent la nature reprendre ses droits. Ces lieux de désolation sont courants au Japon. Donc, on pourrait penser que ce sont des endroits peu fréquentables, dignes d’un film d’horreur de série B.
En fait, la réalité est tout autre. Ils sont là, les gens savent que ces lieux existent. Mais ils n’y font pas plus attention que ça. Au point que parfois, à quelques mètres seulement, des bâtiments voient le jour.Les tremblements de terre ne sont pas la seule thématique liée à l’histoire. Il y a aussi celles liées aux personnages, dont je fais volontairement abstraction. Je préfère vous parler d’un style en particulier. Quelque chose qui me fait vibrer à chaque fois que cela fait partie d’une intrigue.Le Road Movie. Mais quel plaisir ! De voir un film d’animation japonais qui aborde ce style !! C’est tout simplement sublime. Magique, vibrant, hypnotisant…
Le road movie est tout simplement le bienvenu vu le contexte de l’histoire. Mais il ne se contente pas de servir l’histoire. Il fait partie intégrante de l’histoire, poussant nos personnages à découvrir de nouvelles contrées, de nouveaux personnages, ainsi qu’à évoluer en tant qu’individus. À cela s’ajoute que les Japonais sont, dans 99 % des cas, accueillants et chaleureux à l’égard d’inconnus qui se seraient perdus. Cela a donné lieu à de magnifiques moments de rencontre, mais surtout à l’animation de repas qui donne l’eau à la bouche.
Pour conclure, je trouve que c’est un excellent film d’animation et que je prendrai plaisir à le revoir. Surtout qu’il aborde des thématiques qui me sont chères, telles que la critique sociétale, les voyages, une photographie qui pourrait faire écho à la réalité, ainsi que le régal de pouvoir le considérer comme un road movie. Ah, j’ai bien malgré moi oublié de mentionner que la BO est sublime ! Merci le jazz !! Puis il y a de la nourriture et des chats. Bref, à consommer sans modération ;)
Merci à vous, Sir Makoto Shinkai.