J’aime beaucoup le travail de Makoto Shinkai, mais il faut vraiment arrêter de dire que c’est le "nouveau Miyazaki", que c'est son "plus digne héritier" à chaque fois qu'un de ses films sort sur nos grands écrans. Pour moi, c’est de la paresse intellectuelle. Les films de Makoto Shinkai ne sont pas du tout comparables à ceux d'Hayao Miyazaki. Et bien que parfois ils puissent aborder des thèmes similaires, son animation est totalement différente, plus réaliste et nettement moins dynamique ... plus poseur, quoi ! Par contre, c'est vrai que dans Suzume plus particulièrement, il y a énormément de références thématiques aux films du maître incontesté de l'animation japonaise.
A l'image du Tombeau des Lucioles d'Isao Takahata qui traite des évènements tragiques d'Hiroshima, Suzume traite du Japon post-tsunami à Fukushima. J'y vois également une forte influence du Alice au pays des merveilles de Disney. Suzume, c'est Alice. Quant au chat divin, c'est à la fois le lapin blanc et the Cheshire Cat. Et lorsque Suzume fait du babysitting pour une mère tenancière d'un bar karaoké, c'est la séquence du thé avec le chapelier fou (et les deux gosses de la tenancière, ce sont les deux jumeaux). Il y a sans doute plein d'autres références qui ont dû m'échapper, notamment à Hayao Miyazaki, un réalisateur que Makoto Shinkai vénère tant.
J'aime beaucoup certains films de Makoto Shinkai, surtout 5 centimètres par seconde et The Garden of Words, deux films d'animation sans le moindre élément fantastique. J'aime moins La Tour au-delà des nuages et Voyage vers Agartha, justement parce que, ici pour le coup, il essaye trop de copier son maitre vénéré Hayao Miyazaki. Il essaye comme lui d'insérer du fantastique dans le quotidien d'une adolescente, mais la sauce ne prend pas totalement avec moi.
Et pourtant, sans que le film soit parfait pour autant, ici dans Suzume ça passe mieux. Ainsi, la chaise qui l'accompagne et qui parle, c'est très originale et ça fonctionne plutôt bien. Le fait qu'il lui manque un pied, ça montre que sa mère lui manque. Le fait que la chaise la suive partout, c'est le traumatisme qu'elle cache en elle. Et ce voyage à travers le Japon, c'est en réalité un voyage intérieur.
Le sujet central du film, c'est de savoir comment surpasser un lourd traumatisme. C'est traité de manière sérieuse, sans jamais tomber dans la lourdeur (et avec une pointe de légèreté bienvenue). Suzume doit faire la paix avec elle-même pour surpasser la douleur d'avoir perdu sa mère. L'ouverture de la porte, c'est comme ouvrir la porte sur sa plaie intérieure, c'est une invitation à la regarder en face. C'est très douloureux pour elle, c'est pourquoi elle doit la refermer à tout prix ...
Au final, elle décide de franchir la porte pour faire face à son traumatisme, pour faire la paix avec elle-même ... au sens propre, comme au sens figuré.
Mais voilà, comme dit plus haut, le film n'est pas sans défauts. La quête initiatique de Suzume est trop bancale, Suzume devant à chaque fois faire face aux mêmes obstacles. Pendant presque une heure, le même schéma se répète à chaque porte qu'il faut fermer. Il y a combien de portes, déjà ? Je crois qu'il y en a trois ou quatre, avec à chaque fois le même schéma qui se répète (émotion, souvenir et prière) et la même résolution finale. Et puis, les décors sont trop réalistes (la marque de fabrique de Makoto Shinkai) et manquent de fantaisie, contrairement aux films d'Hayao Miyazaki, où on se sent tout de suite transporté dans son univers.
Non seulement il y a trop de longueurs, mais aussi il y a trop de personnages. Résultat, tous les personnages secondaires sont à peine esquissés, le grand père du héros qui vient là comme un cheveux sur la soupe, tout comme son pote étudiant. Pareil pour la tante de Suzume et son collègue qui l'aime en secret, un personnage attachant, mais mal exploité. Quant à la mère de Suzume, on ne sait quasiment rien sur elle.
Prenons aussi le chat divin qui ouvre les portes. Tout au long du film, il fuit Suzume qui se met à sa recherche. Et puis d'un seul coup, sans aucune explication, c'est lui qui se met à la suivre. D'ailleurs, Suzume lui fait la remarque vers la fin du film : "Ah mais en fait, tu me guidais vers les portes pour que je les ferme ?" Quelqu'un peut-il m'expliquer pourquoi ce n'est pas plus clairement dit dés le début du film ? Pourquoi le chat en fait-il un secret ? Et puis, dès que Suzume se désintéresse du chat, il devient tout maigrichon ... une fois de plus, sans aucune explication.