Suzume, une lycéenne, découvre par hasard une porte qui donne sur un autre monde. De plus, elle libère involontairement le kami qui la gardait. Comble de maladresse, elle laisse ouverte cette porte en ignorant qu’elle provoquera ainsi une catastrophe sismique. Aidée par son nouvel ami transformé en chaise, Suzume pourchasse le kami gardien tout en fermant des portes similaires à travers tout le Japon.
Makoto Shinkai nous avait ravi avec Your Name et avait remis ça avec Weathering with you. Doué pour les aventures romantiques avec une thématique bien à lui (un amour impossible nécessitant une intervention divine), il propose maintenant sa version des séismes.
Bon, ben je ne sais pas ce qu’il a fumé, mais cette fois, ça marche moyennement. Suzume est un mélange pour le moins original qui hésite entre le road movie d’adolescent, la fable surréaliste et le psychodrame familial. Trop d’éléments sont parachutés sans explication, et les évènements s’enchaînent dans un chaos proche de l’absurde. Tout d’abord le personnage principal lui-même est trop instable pour avoir une analyse cohérente de la situation, par ailleurs délirante. L’histoire d’amour est bâclée façon Kinder-Surprise (il est bôôôô ! Aller, hop ! Ils sont amoureux.). Sota est complètement insipide tellement il est parfait. De plus, sa transformation en chaise n’apporte rien, à part de s’enfoncer un peu plus dans l’absurdité. Le kami-chat a un comportement erratique (il veut libérer le ver ou pas ?) et met des bâtons dans les roues aux héros tout en les aidant à la fin dans un revirement incohérent. Les amitiés féminines sont agréables, mais un peu trop présentes, car trop systématiques (Suzume a un côté reine du lycée parfaitement incongru). Et, du coup, on se croirait dans un teen movie avec les pyjamas party, l’adolescente qui se prend pour une adulte, et les inévitables engueulades au téléphone avec maman. Je rappelle que tout ça se fait en compagnie d’une chaise parlante avec pour but de fermer des portes tout en poursuivant un chat (parlant, lui aussi). La fin est une boucle temporelle que l’on sent venir, mais dont on ne comprend pas la raison (pourquoi diable récupérer cette chaise ?) et laisse une myriade de questions (Pourquoi Suzume peut manipuler les portes ? Est-elle une gardienne comme Sota ? Comment a-t-elle pu passer dans le monde éternel enfant alors que normalement, seuls les morts peuvent le faire ? Qui sont ces kamis gardiens et pourquoi veulent-ils s’échapper ? Quelle est la religion des gardiens qui leur donne leur pouvoir et quel est le rapport avec le ver ?). Bref, y aurait eu moyen de développer…
Le film ressemble à un conflit d’inspiration. En effet, Shinkai voulait à la base réaliser une romance saphique, mais son producteur le lui a déconseillé. Du coup, l’histoire d’amour de ce film est proprement bâclée. Le scénario fantastique est incohérente et ressemble à un bric-à-brac piqué à un rôliste sans le livre de règles. Le road movie perclus des crises existentielles d’une adolescente se serait largement suffi à lui-même, sans la romance de supermarché ni la quête mystique de la chaise contre les chats. Pour le coup, Josee, the tiger and the fish s’en tient à ça et réussit autrement plus brillamment.
Ce film est une déception. À vouloir faire plaisir à son public, à son producteur et faire original, Suzume est un monstre mutant qui ne satisfait personne. L’art n’est pourtant pas fait pour plaire, mais pour s’exprimer et les compromis ne marchent jamais. Avec ses succès précédents, Shinkai aurait dû s’écouter. Une prochaine fois, sans doute ?