Ce n'est que très récemment que je me suis intéressé à la filmographie de Ken Loach, en voyant la bande-annonce de Moi, Daniel Blake, c'est également en lisant et en regardant des interviews que le réalisateur m'a interpellé du fait qu'il se dégage de cet homme une grande humanité. Faisant des œuvres sociales sa spécialité, un genre que j'apprécie particulièrement (David Simon en est le digne représentant à la télévision) car il regroupe selon moi deux éléments qui font des œuvres de qualité : la réflexion et l'émotion. Cependant, avant de me décider à voir un de ces jours le dernier métrage en date du cinéaste, il me fallait un film test qui me montre un peu ce que le monsieur a dans le ventre. Le hasard a voulu que Sweet Sixteen passe sur Arte. Le hasard à t-il bien fait les choses ?
Je disais donc que ce qui me plaisait dans les œuvres dites sociales, c'est qu'elles arrivent à réunir généralement l'aspect intellectuel et émotionnel de par leurs authenticités et leurs profondeurs. Le cas de Sweet sixteen ne fait pas exception à la règle, nous avons bien cette démarche de compréhension des personnages et du contexte social dans lequel ils évoluent, notamment sur cette jeunesse écossaise complètement abandonnée et livrée à elle-même, du trafic de drogue, etc… Nous avons également ce côté émotionnel et c'est sur ce point-là que je souhaite m'attarder principalement, sur ce qui m'a vraiment ému, ce qui d'après moi constitue l’âme de ce film, sa beauté naturelle, sa sincérité. Sweet sixteen est une œuvre intelligente, mais elle est surtout transcendée par ce qu'elle dégage en terme de sentiment, qui touche le spectateur au plus profond de son être, c'est sur ce terrain qu'elle puise toute son énergie.
À la fin de mon visionnage, c'est le mot amour qui m'est venu en tête, c'est selon moi le cœur du film, sa thématique centrale : l'amour d'un fils envers sa mère, le sentiment le plus pur et innocent qu'il soit donné a un être humain. C'est le personnage de Liam qui en est l’incarnation. Cet adolescent âgé de 15 ans ne souhaite qu'une chose être réuni avec sa famille (composée de sa sœur et de son neveu) et surtout avec sa mère qui est sur le point de sortir de prison. Il est hors de question pour Liam qu'elle retourne avec l'homme qui a contribué à l'envoyer en détention. Il va donc décider d'acheter une modeste caravane dans laquelle il logera avec elle, loin de la misère qui a jusqu'à présent dictait leurs vies et ainsi retrouvé une existence un tant soit peu normal.
Pour obtenir ce bien, il n’hésite pas à dealer de la drogue, à s'enfoncer en eau profonde dans ce business et prendre de gros risque. Mais jamais dans une optique ou une ambition de s'élever au sein de ce milieu ou de générer de gros profits. Sa seule motivation, cette force et cette détermination qui le pousse à aller toujours plus loin, c’est l'amour qu'il éprouve pour sa mère, mais comme on dit l'amour est aveugle et Liam ne va pas voir l'évidence qui va finir par s'imposer à lui.
Sweet sixteen est la définition cinématographique de ce que veut dire aimer, non pas par de simple mot, mais par les actes forts. Un amour sans concession et inconditionnel d'un enfant qui a grandi trop vite et qui est prêt a tout pour être entouré de sa famille, donner de l'affection et en recevoir. Un enfant qui rêve d’une vie qu'il n'a jamais connue auprès de celle qui est la plus précieuse à ses yeux. Ce que ressent Liam est à la hauteur des décisions extrêmes qu'il prend. Jusqu’où êtes-vous prêt à aller par amour ? C'est la question que nous pose Ken Loach.