Sweet Sweetback's Baadasssss Song par Boubakar
Dans les deux entretiens que le réalisateur donne pour l'édition dvd, celui-ci dit s'être inspiré des films pornos de l"époque pour tourner son film à l'économie maximum, et effectivement, il est difficile de ne pas penser à des films comme Derrière la porte verte ou Gorge profonde, dans la manière ou des plans se superposent, des prismes de couleur, ou un certain grain de l'image, sans compter que le héros est au début un gigolo, ce qui vaut des scènes sexuelles assez explicites (dont la première où on le voit enfant avoir sa première fois avec une prostituée....qui est la même quand on le voit adulte).
Le film a vraiment été fait à l'arrache, et ça se voit dans le montage du film qui est assez bordélique ; entre les plans où l'on scrute des acteurs sans qu'ils aient l'air au courant, des longs moments de silence où l'on contemple le décor, ou une captation de la réalité (une bagnole qui brûle pendant une manif'), sans compter la qualité technique assez bancale (on ne compte plus les "cheveux" sur la caméra, ou des plans avec une lumière surexposée qui montre bien que le tournage a du être un joyeux bordel).
Mais c'est aussi ça qui le rend très intéressant ; le film est un grand running-movie (il échappe sans arrêt aux flics, car il a tué deux d'entre eux), avec un Sweetback assez laconique (il doit dire deux mots à tout casser durant le film), qui ne manque pas de coucher avec (presque) toutes les filles (noires, forcément) qu'il va croiser, et c'est un document sur l'Amérique du début des années 70, où régnait encore de forts relents de racisme, après la disparition de Martin Luther King.
Et le truc un peu gênant du film, mais ça sera un peu le cas dans les films de Blaxploitation, c'est que le Noir est le gentil et le Blanc le méchant, pour résumer.
Certes, on a déjà vu ça dans d'autres films, mais ici, c'est clairement montré que le Blanc est un emmerdeur borné à "casser du Noir", et montre que le film était clairement adressé à une certaine frange de la population (ce qui est confirmé par Van Peebles dans le livret du dvd), comme pourra le faire Spike Lee plus tard, mais à degré moindre.
Bon après, en tant que film, ça reste assez intéressant, de par les conditions assez précaires du tournage (quasiment tous les acteurs sont des amateurs) et une intrigue plus intéressante qu'il n'y parait, mais dont le fond peut être contestable (ça n'est pas non plus un film raciste).