Peu souvent mentionné dans la liste des films mémorables associés au pétillant Kevin Spacey, Swimming with sharks est pourtant un sacré moment d'acting délivré par le Kayzer. Reposant entièrement sur les épaules en béton armé de l'acteur, la proposition de George Huang délivre une originale satire d'Hollywood dont tout le sel réside dans sa redoutable acidité.
A la réalisation, le jeune réalisateur manque un peu de souffle. Il fait le travail suffisant pour fournir un enrobage de belle tenue à son propos, mais l’ensemble manque un peu d’identité. A l'écriture, par contre, c'est une autre histoire. Les trois personnages qui portent sa satire à bout de bras sont généreusement agrémentés en dialogues savoureux, véritable feu d'artifice de punchlines assassines.
Des dialogues fleuris nécessitent acteurs capables de dompter leur redoutable débit. A ce petit jeu, Frank Whaley et Michelle Forbes s'en tirent avec les honneurs, tous deux apportent un début de nuance appréciable à la fable noire de George Huang, par leur romance naissante. Mais les deux jeunes acteurs ont beau vider leurs poumons jusqu'à plus d'air, ils ne parviennent, à aucun moment, à sortir de l'ombre gigantesque que pose sur eux la prestance magistrale de Kevin Spacey. Son regard lourd et pénétrant, son flow destructeur, ses attitudes qui tombent sous le sens, la leçon est totale. Elle permet à son personnage de nous emporter, sans aucune baisse de rythme, du début à la fin du film.
Quel dommage par contre que l’enthousiasme de sa plume se soit un peu envolé au moment où George Huang a couché sur le papier la fin de Swimming With Sharks. Sans être manquée, bien au contraire, elle semble un peu précipitée. Il lui manque une petite étape dans la construction des personnages (de celui de Guy notamment) pour que l’on puisse y adhérer sans réserve. En outre, le début d’attendrissement du grand blanc Buddy Ackerman atténue la portée très acide de mise jusque là. Voir ses yeux s’humidifier à l’idée de souvenirs désagréables ne colle pas à la rigidité corsée qui le caractérise (à tel point qu'il est facile de croire à une nouvelle entourloupe de sa part). Vu sa capacité à gérer le rythme de ses images, George Huang aurait pu s’autoriser un petit quart d’heure supplémentaire pour rendre ses dernières minutes plus convaincantes.
En l’état toutefois, Swimming with sharks est un film aux arguments solides. Exploitant, à raison, le talent naturel de Kevin Spacey, il est également épaulé par des dialogues judicieux. Il ne manquait qu’un peu d’expérience à George Huang pour délivrer une pépite encore plus rageuse, dans sa forme plus particulièrement. On se contente toutefois allègrement du côté rugissant de cet imparfait mais burné premier film, joli présage d'une belle suite de carrière qui malheureusement semble ne pas avoir décollé.