Gérome Barry, à la fois réalisateur, scénariste et personnage principal, signe un premier long-métrage de toute évidence touché par la grâce.

Il incarne Théodore, jeune Parisien un peu lunaire, délicieusement décalé, qui peine à se remettre d’une rupture et qui, à présent solitaire, rêve de rencontrer le grand amour. Il est entouré d’amis plus déprimants les uns que les autres, puisqu’ils sont tous en couple et lui annoncent mariages, enfants… Entre eux tous, un duo assez réjouissant, formé par Noémie (Noémie Zeitoun) et Rémi, campé par Estéban, déjà apprécié dans « Debout sur la montagne » (2019), de Sébastien Bedbeder, toujours entre fausse maladresse et vraie délicatesse. Le désarroi du héros trouve une issue de secours dans une double cristallisation : une rencontre inopinée avec une joggeuse de la Place des Vosges, Amandine (Anna Bosc-Molinaro), qu’il va se mettre en tête d’approcher et de séduire, et la découverte de la partition incomplète d’un morceau de jazz auquel la légende prête la vertu magique de faire tomber amoureux ceux qui l’écoutent. Les deux affaires s’entrecroisant, un bon sorcier étant consulté (l’attachant Bernard Pivot, d’un naturel confondant en bouquiniste des bords de Seine…), ainsi qu’une bonne fée savante en la matière (Arielle Dombasle, assez désopilante en surjeu d’elle-même…), voilà notre amoureux en sursis lancé sur les traces de la page manquante et prenant son envol pour New-York… Où il assistera, à travers de jeunes groupes d’authentiques musiciens (le chaleureux Vinny Raniolo, la pulpeuse Tatiana Eva-Marie…), à la résurgence du lindy-hop et du charleston, pour le plus grand bonheur de tous, y compris de ses affaires amoureuses…

L’homme-orchestre de cette réalisation talentueuse revendique les influences de Billy Wilder, Blake Edwards, et, ici, de Jacques Tati, Pierre Etaix, Michel Gondry, Valérie Donzelli, ou encore Emmanuel Mouret. On ne peut s’empêcher, toutefois, d’identifier également l’élégance joyeuse et absurde de notre tandem belge préféré, Fiona Gordon et Dominique Abel. Si le mime tient chez eux une place importante, on se délecte, ici, de l’esprit qui fuse des dialogues, avec une légèreté et une créativité que l’on n’a pas vues depuis longtemps dans notre cinéma national. Il faudrait évoquer l’esprit d’un Lubitsch ; mais il y a ici plus d’innocence, un jaillissement plus intact, très bien rendu par la fraîcheur pimpante des images d’Edward Bally. Autre prouesse : la musique, de Giovanni Mirabassi, parvient, de façon véritablement magique, à faire aimer ce jazz pétillant même à ceux qui sont d’ordinaire peu sensibles à ce style musical, tant elle dialogue de manière heureuse avec le fond de l’histoire et ses enchaînements imprévisibles.

Un antidote plus que recommandable, nécessaire, même, au creux de ce morne hiver, tant on émerge de la projection tout revigoré !

AnneSchneider
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le 2 déc. 2022

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Anne Schneider

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