Sympathy for Mr. Vengeance, il faut le dire, c'est avant tout un tableau. Par son scénario d'abord, qui sans être extensif ni particulièrement original fonctionne selon une logique si implacable qu'il devient leçon de maître. Par son image, surtout, maîtrisée comme je l'ai rarement vu. Des plans fixes d'une composition époustouflante, avec des couleurs d'une vivacité, non, d'une vigueur éclatante mais mesurée. Et c'est ce qui rend le tout absolument irrésistible : une forme dont l'esthétisme semble faire l'apologie de la violence, sur un fond qui ne fait que démontrer sa vanité.
Non, il ne faut pas attendre l'éclat scénaristique d'Old Boy, ou le climax patiemment construit de Lady Vengeance. Le génie de Park Chan-wook est sans doute d'avoir construit une trilogie magistrale de films qui, tout en demeurant dans une ambiance proche, sont totalement différents dans leur construction.
Dans Sympathy for Mr. Vengeance, on prend le temps. On prend le temps de voir défiler ces plans parfois lents, qui subliment une image dont je pourrais encore longtemps faire l'éloge. On prend le temps de savoir ce qu'il va arriver ensuite, parce qu'on sent bien que tout va forcément tourner mal. On sent arriver le malheur. Implacable, implacable, mais IL prend son temps. Et c'est cette angoisse qui monte. Cette angoisse qui monte et qui fait tout le film. On a hâte de crever l'abcès, on a hâte de libérer cette inquiétude grandissante. Il y a dans cette attente une indéniable impression de malaise, comme on appréhende l'instant pourtant bref où l'on retire une bande de cire (comparaison du siècle ; les femmes comprendront).
Pourtant, le rythme est malgré tout soutenu et régulier. A l'ennui on ne laisse pas le temps. Cette langueur n'est pas longueur. Les faits adviennent, vite et bien. Et surtout, avec ironie. C'est l'ironie la plus grande des frustrations alimentant notre malaise, celle qui nous fait comprendre que c'est précisément si quelque chose se passe bien que l'on a des raisons d'avoir peur : que ce soit vérifié ou pas, peu importe, ce qui compte est le sentiment d'insécurité permanente. C'est plus que tout cela qui oppresse.
L'ironie a bien sûr un autre rôle plus concret à jouer : celui de pointer la vanité de cette, de ces vengeances – car qui est véritablement Mr. Vengeance ? Cela aussi est du plus grand intérêt : s'éloigner un temps d'un personnage pour y revenir ensuite, ce qui évite à la trame les écueils trop classiques. Mais surtout, surtout, ce qui à mes yeux incarne la réussite du film, la consécration de cet acharnement scénaristique qu'on pourrait croire trop poussif sans cela, c'est l'état émotionnel auquel l'on est parvenu sans s'en rendre compte. Une sorte de lassitude, de résignation. Quand, juste avant la fin, une ultime annonce de malheur survient, on n'en a plus rien à foutre. Personne n'en a plus rien à foutre. Tout est devenu égal. Derrière la vengeance, il n'y a rien.
C'est un tableau nihiliste.