Une expérience laissant indécis
Oui. Ukhbar a écrit l'une des plus belles critiques du site en parlant de cette oeuvre, cette dernière ne pouvait pas mériter mieux. Seulement, je n'y ai pas perçu tout ce qu'il a pu ressentir au cours de mon visionnage.
"Syndromes and a Century", ce n'est pas un film à proprement parler : le réalisateur Weerasethakul propose au spectateur une extraction de certains de ses souvenirs, aussi flous, apocalyptiques ou abstraits soient-ils. De là ressort un côté absolument expérimental, un long-métrage basé uniquement sur des plans très larges, des moments de vie quelconques (qui reviennent parfois à plusieurs reprises, reflet de l'imperfection mémorielle), des silences & des conversations des plus communes.
La première partie est entrainante, passionnante, il est inutile de le contredire : le paysage naturel & verdoyant de la Thaïlande est apaisant, réconfortant, on y voit les beaux jours d'une peuplade heureuse. Les scènes sont telles des sketchs, & donnent aisément le sourire au spectateur. Par ailleurs, le moment du concert est émouvant, formidablement filmé, très juste : c'est une conclusion parfaite pour cette partie. La deuxième, quant à elle, est plus froide, neutre, voire stressante : tout s'y passe dans un climat urbain, plus contemporain, au sein d'un hôpital aspirant à la claustrophobie (la blancheur ambiante, les longs couloirs sans fenêtre, l'attitude des gens moins chaleureuse, les gros plans sur les visages bien plus présents que dans la première partie, les conversations éponymes d'un néant moral, etc.). J'ai beaucoup moins adhéré à cette partie, car tout y traîne en longueur, on est plongé dans un univers bien plus abstrait, oppressant, torturé (y compris dans la bande-son lors des scènes de contemplation) ; alors même si ça peut paraître intéressant prime-abord, certains inserts ne sont pas très clairs quant à leur utilité, j'ai souvent froncé les sourcils, puis j'ai fini par céder au côté expérimental qu'a voulu signifier le réalisateur. La dernière scène ajoute un côté loufoque pour clore cette partie, ce qui n'est pas déplaisant (le contraste surprend agréablement).
Plus qu'un film, ce long-métrage évoque avant tout un essai, une expérimentation très personnelle du réalisateur thaïlandais Weerasethakul.
Si on apprécie volontiers certaines scènes pouvant relater un souvenir quelconque (la scène de flirt dans la première partie, le malaise de la pièce en désordre), ou une émotion oppressante (l'imposante domination des statues dans la deuxième partie, soutenue par un bourdonnement désagréable), l'ensemble peine quelque peu à convaincre : on se rapproche plus de l'art supposé moderne, abstrait, relatif, émotionnel, personnel, plutôt que d'un art populaire, universel. Certains se complairont dans cet esprit, d'autres risquent de considérer l'oeuvre comme une perte de temps. Entre admiration & ennui, j'ai encore du mal à me décider sur mon expérience.