Syngué Sabour, pierre de patience par pierreAfeu
Le propos est puissant, les images sont belles, l'actrice est magnifique, mais il y a pourtant si peu de cinéma dans Syngué sabour, que se pose une fois de plus la question de l'adaptation. C'est toujours la même chose : à quoi bon aller voir le film si c'est pour qu'on nous lise le livre dont il s'inspire ?
Beaucoup trop bavard, beaucoup trop littéraire, ne faisant finalement pas confiance à l'image (ce que cette femme raconte à son mari plongé dans le coma, aurait beaucoup plus de force si on nous le montrait), Le film d'Atiq Rahimi se tire plusieurs balles dans le pied, alors qu'il avait tous les atouts pour séduire. Mêler cette histoire folle à la guerre afghane, manière détournée de nous narrer en marge la condition féminine locale, et nous offrir cette héroïne complexe et magnifique, devait nous conduire vers un film âpre et romanesque, sensuel, troublant, dérangeant.
Rien de tout cela. Le flôt de paroles réservées au mari muet devenu "pierre de patience", met à plat les nombreuses qualités formelles du film. Car la mise en scène est belle, le cadre est beau. On retiendra ces amples mouvements de caméra nous élevant au-dessus du mur d'enceinte de la maison, les sorties de la femme cachée sous son niqab volant au vent, telle un oiseau d'or, les échanges sensuels avec le soldat, les visites à la tante, la toilette du mari... Beaucoup de belles scènes en effet, et la présence aussi terrienne que pure de la très belle Golshifteh Farahani, ne parviennent malheureusement pas à faire disparaître notre constante frustration. Nous aimerions voir ce qu'elle nous raconte. Nous voudrions de l'image et moins de monologues. Nous voudrions du cinéma.
Bourré de qualités mais le plus souvent maladroit, œuvre hybride et bancale, Syngué sabour, pierre de patience ne tient pas ses promesses. C'est d'autant plus décevant qu'il avait tout pour réussir.