Avoir découvert avec ravissement un cinéaste très doué (Le policier) ; avoir adoré son deuxième film, d'une force et d'une subtilité peu communes (L'institutrice) ; avoir attendu avec impatience le suivant, Ours d'Or à Berlin, s'il vous plait, et tomber de très, très haut dans la déception (Synonymes). Après avoir ausculté son pays, Israël, de l'intérieur, Nadav Lapid s'est éloigné pour en parler d'une autre manière, au loin, tout en évoquant les thèmes de l'exil et de l'intégration dans un autre pays. Seulement voilà, dès le début de Synonymes, nous voici à bord d'un objet très spécial, avec pour guide un garçon que l'on voit déclamer, manger des pâtes avec des tomates concassées, s'exprimer dans un français pédant (et refuser de parler hébreu) et, souvent, montrer ses attributs physiques avec une grande générosité. On aurait bien envie de lui dire : mais ne te promène donc pas tout nu mais à quoi bon, il faudrait déjà avoir la force de réagir face à ce film conceptuel, plutôt prétentieux et surtout abominablement ennuyeux. Quelques scènes sortent du lot car Lapid reste un cinéaste puissant mais l'impression d'ensemble est celle d'un camaïeu de saynètes assemblées avec plus ou moins de bonheur dans un Paris fantasmé et en disant pis que pendre de sa contrée d'origine. Ce n'est assurément pas un cinéma innovant car on y retrouve un certain nombre de constantes de celui du début des années 70, déstructuré, intellectuel, politique et, aussi, assez souvent fumeux. Il n'est que de se référer à Godard ou au Bertolucci d'avant Le dernier tango. Le fait est que si Lapid souhaite continuer de pointer les dysfonctionnement sociaux de son pays, ce qui est probable, il serait préférable qu'il le fasse à l'intérieur de son pays et sans tenter d'imposer une vision poétique et absurde qui n'est pas loin, dans Synonymes, de s'avérer grotesque.