Mais ne te promène donc pas tout nu !

Avoir découvert avec ravissement un cinéaste très doué (Le policier) ; avoir adoré son deuxième film, d'une force et d'une subtilité peu communes (L'institutrice) ; avoir attendu avec impatience le suivant, Ours d'Or à Berlin, s'il vous plait, et tomber de très, très haut dans la déception (Synonymes). Après avoir ausculté son pays, Israël, de l'intérieur, Nadav Lapid s'est éloigné pour en parler d'une autre manière, au loin, tout en évoquant les thèmes de l'exil et de l'intégration dans un autre pays. Seulement voilà, dès le début de Synonymes, nous voici à bord d'un objet très spécial, avec pour guide un garçon que l'on voit déclamer, manger des pâtes avec des tomates concassées, s'exprimer dans un français pédant (et refuser de parler hébreu) et, souvent, montrer ses attributs physiques avec une grande générosité. On aurait bien envie de lui dire : mais ne te promène donc pas tout nu mais à quoi bon, il faudrait déjà avoir la force de réagir face à ce film conceptuel, plutôt prétentieux et surtout abominablement ennuyeux. Quelques scènes sortent du lot car Lapid reste un cinéaste puissant mais l'impression d'ensemble est celle d'un camaïeu de saynètes assemblées avec plus ou moins de bonheur dans un Paris fantasmé et en disant pis que pendre de sa contrée d'origine. Ce n'est assurément pas un cinéma innovant car on y retrouve un certain nombre de constantes de celui du début des années 70, déstructuré, intellectuel, politique et, aussi, assez souvent fumeux. Il n'est que de se référer à Godard ou au Bertolucci d'avant Le dernier tango. Le fait est que si Lapid souhaite continuer de pointer les dysfonctionnement sociaux de son pays, ce qui est probable, il serait préférable qu'il le fasse à l'intérieur de son pays et sans tenter d'imposer une vision poétique et absurde qui n'est pas loin, dans Synonymes, de s'avérer grotesque.

Cinephile-doux
4
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Au fil(m) de 2019

Créée

le 27 mars 2019

Critique lue 2.8K fois

17 j'aime

6 commentaires

Cinephile-doux

Écrit par

Critique lue 2.8K fois

17
6

D'autres avis sur Synonymes

Synonymes
Christoblog
4

Un film qui m'a laissé perplexe. Dubitatif. Interloqué. Indécis. Désorienté. Interdit. Irrésolu.

Synonymes est ce genre de film qui propose des scènes où l'on ne comprend pas pourquoi les personnages font ce qu'ils font. Ce genre de film dans lequel pullulent les tics en tous genres (de mise en...

le 2 avr. 2019

21 j'aime

4

Synonymes
Cinephile-doux
4

Mais ne te promène donc pas tout nu !

Avoir découvert avec ravissement un cinéaste très doué (Le policier) ; avoir adoré son deuxième film, d'une force et d'une subtilité peu communes (L'institutrice) ; avoir attendu avec impatience le...

le 27 mars 2019

17 j'aime

6

Synonymes
VHS1
8

Culotté, risqué, osé, audacieux, ambitieux...récompensé !

[Vu dans le cadre de la Berlinale 2019] Il est de ces paris cinématographiques risqués, voire insensés, qui n'hésitent pas à bousculer le spectateur quitte à le faire vibrer ou alors tomber...

Par

le 18 févr. 2019

13 j'aime

Du même critique

As Bestas
Cinephile-doux
9

La Galice jusqu'à l'hallali

Et sinon, il en pense quoi, l'office de tourisme galicien de As Bestas, dont l'action se déroule dans un petit village dépeuplé où ont choisi de s'installer un couple de Français qui se sont...

le 28 mai 2022

79 j'aime

4

France
Cinephile-doux
8

Triste et célèbre

Il est quand même drôle qu'un grand nombre des spectateurs de France ne retient du film que sa satire au vitriol (hum) des journalistes télé élevés au rang de stars et des errements des chaînes...

le 25 août 2021

79 j'aime

5

The Power of the Dog
Cinephile-doux
8

Du genre masculin

Enfin un nouveau film de Jane Campion, 12 ans après Bright Star ! La puissance et la subtilité de la réalisatrice néo-zélandaise ne se sont manifestement pas affadies avec Le pouvoir du chien, un...

le 25 sept. 2021

72 j'aime

13