Trainsmissing
Putain, déjà 21 ans. 21 ans déjà que les junkies Renton, Spud, Sick Boy et le violent Begbie ont sillonné, Iggy Pop dans les oreilles, une Ecosse industrialisée à outrance par le biais d'un film...
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Trainspotting, ce monument cinématographique des années 90, s'était terminé par un espoir : après les conneries de jeunesse vient la vraie vie, la "vie choisie", on arrête la branlette avec les potes qui n'en sont pas, et on réalise quelque chose de consistant, de signifiant...
Le génie du duo Irvine Welsh/Danny Boyle, c'est d'avoir appris des suites inconsistantes qui sont désormais légion dans le cinéma hollywoodien. Première leçon : on arrivera jamais à atteindre la portée du film original ; Deuxième leçon : au lieu de reproduire le premier opus en moins bien, il faut coller au sentiment nostalgique des protagonistes et calquer le film sur ce sentiment. Rent boy, Spud, Sick Boy et Franco Begbie sont paumés, encore plus que dans leur -désormais- mythique jeunesse. Dans le vingt-et-unième siècle, on ne grandit plus, on reproduit les mêmes erreurs en pire, en rêvant du passé qui plus est. La musique est entraînante, mais elle n'a plus la substance d'antan. Après avoir chouré des années dans les magasins, Spud a appris à contrefaire des signatures, mais aujourd'hui, alors que des professionnels détournent des millions de Sterling d'un simple clic, il est ringard, tout juste bon à se suicider dans son vomi. Sick Boy s'essaye au chantage au porno avec des huiles qui kiffent se faire goder par une jeune femme, mais son affaire a quelques ratés. Begbie, après vingt ans de taule et avoir écrit à Sa Majesté la Reine, fait de l'auto-mutilation pour parvenir à sortir du trou. Renton, à 42 ans et après avoir accumulé les échecs dans sa vie, se résout à revenir parmi ses anciens potes qu'il a néanmoins trahi. Bien sûr, il va se prendre quelques baffes, mais au moins, il va se sentir vivre !
Ce film suppure la Sehnsucht, ce mot allemand qui désigne le vague-à-l'âme, ce désir mélancolique d'un environnement familier, cet objet du désir inatteignable qu'il n'est pas forcément souhaitable d'atteindre.
Bien sûr, une personne manque à l'appel, c'est Diane. La seule protagoniste féminine de Trainspotting, film qui respirait déjà bien la masculinité, l'entre-soi entre-potes couillus et camés. On aurait tellement aimé voir l'évolution de Diane 20 ans après, donnant à voir la déchéance et la Sehnsucht féminine autant que masculine. Mais le reproche ne doit pas être adressé au film, mais plutôt au livre dont il est inspiré : Porno d'Irvine Welsh, qui a choisi de mettre en scène en faire-valoir une jeune nénette bulgare plutôt que Diane, devenue pour le coup une avocate tout ce qu'il y a de respectable. Dommage, vraiment dommage ! Welsh a l'air d'être un de ces auteurs masculins qui ont du mal à se projeter sur le féminin. Passons.
Replacer l'action du film à Edimbourg est aussi une idée intéressante : Edimbourg s'est beaucoup embourgeoisée depuis 1996 et est devenue une ville cossue où s'aligne les banques, à l'instar de Francfort-sur-le-Main ou de Luxembourg-ville, alors que Glasgow est une ville traditionnellement ouvrière. Dans T2, on choisit de montrer une petite partie d'Edimbourg relativement épargnée par ce processus. Là aussi, on ressent la Sehnsucht !
T2 n'essaie même pas d'égaler le premier opus indépassable, mais il offre un certain regard sur des gens qui reste à côté de la plaque dans leur époque qu'ils ne comprennent plus. Le "choisir sa vie" revisité de Renton au milieu du film le symbolise. Entre flash-backs incessants, retrouvailles de vieux potes qui détestent jusqu'à leur propre personne et dernière ligne droite avec Begbie en grand méchant loup, l'histoire de T2 assure quand même un spectacle tout à fait louable, d'autant plus que la mise en scène speedée de Danny Boyle ne laisse pas vraiment place à l'ennui. T2 parle toujours des perdants de la mondialisation heureuse, mais d'une façon bien plus réjouissante que Ken Loach et son dépressif Moi, Daniel Blake.
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le 15 juin 2017
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