Il y a des films, on sait pertinemment qu’ils sont mauvais, voire très mauvais. Et il suffit de faire un tour sur le net pour se rendre compte qu’à peu près tout le monde est d’accord là-dessus. On sait que rien ne va dedans, du jeu d’acteur à la mise en scène en passant par à peu près tout le reste. Oui mais voilà, parfois on les aime ces films, on les aime beaucoup. Parfois on a honte de la dire, pour éviter les moqueries. Parfois on n’a pas honte parce qu’on se fout bien de ce qu’en pensent les autres. Et si on les aime ces films, en dépit de tout bon sens, c’est parce qu’on a grandi avec. On a tellement grandi avec qu’on les connait même parfois par cœur. Pour les quarantenaires, vous savez de quoi je parle, ces films dont on a usé la VHS jusqu’à la moelle, à la qualité d’image douteuse à force de visionnages, qui vont ont laissé un souvenir impérissable, pour le meilleur et pour le rire. Pour le rire oui, car il s’agit ici d’une comédie, et pas n’importe laquelle. Une comédie du trublion du mauvais goût, de l’humour gras, du jusqu’auboutiste des clichés, le bien nommé Philippe Clair. Mais pas n’importe quel film de Philippe Clair, non, le meilleur de tous. Ou le pire de tous, c’est selon de quel côté de la nostalgie on se place. Il s’agit ici de Tais-Toi Quand Tu Parles, avec un Aldo Maccione complètement on fire, et 35 ans plus tard, c’est toujours aussi improbable. Amis du mauvais goût, le mauvais goût vous appelle !


Les enfants des années 70/80 connaissent tous le cinéma populaire français de cette époque, de Belmondo à la troupe du Splendid, en passant par les comédies de Francis Veber avec le duo Pierre Richard / Gérard Depardieu. Mais dans l’ombre de ces films grand public, il y a tout un pan de cinéma bien plus bis, bien plus nanardesque, bien plus over the top, bien plus n’importe quoi. Des titres comme Mon Curé chez les Nudistes (et sa suite chez les Thaïlandaises), Arrête de Ramer T’Attaques la Falaise, Le Fürher en Folie, Arrête ton Char Bidasse, Belles Blondes et Bronzées, … résonnent aux oreilles de certains. De la comédie sexy, de la bidassestroitation, de la parodie de nazisploitation, ou tout simplement de la gaudriole bien grasse que certains considèrent, à juste titre, comme la décadence de cette comédie populaire française. Un des fers de lance de ces comédies, c’est donc le bien nommé Philippe Clair qui avec des films tels que « Par où t’es rentré, on t’a pas vu sortir », « Plus beau que moi tu meurs », « Rodriguez au pays des Merguez » ou encore « Comment se faire réformer » s’est imposé comme un des « maitres » du genre (notez les guillemets). Bien qu’il l’avait déjà mis en scène auparavant, c’est avec Tais Toi Quand Tu Parles (1981) qu’il attaque sa grosse collaboration avec le grand, que dis-je, l’immense Aldo Maccione. Suivront Plus Beau Que Moi Tu Meurs (1982) cité précédemment, Si tu vas à Rio … Tu Meurs (1987), et L’Aventure Extraordinaire d’un Papa Peu Ordinaire (1989).


Tais-Toi Quand Tu Parles est potentiellement le plus mémorable des quatre tant Aldo Maccione est en totale roue libre pour le plus grand plaisir de ses fans, jouant à fond son personnage de macho ridicule qui l’a clairement rendu célèbre (souvenez-vous L’Aventure c’est L’aventure). Alors il est clair qu’il faut s’accrocher quand on regarde le film, et il est impossible de ne pas perdre quelques neurones au passage. D’ailleurs, il est certainement impossible d’apprécier ce film si ce n’est pas la nostalgie qui parle et découvrir Tais-Toi Quand tu Parles aujourd’hui (tout comme une bonne partie de la filmographie de Philippe Clair) risque de mettre à très rude épreuve le cerveau des non avertis qui n’auraient pas l’habitude de ce genre de cinéma. Encore plus aujourd’hui où le wokisme est partout, où #Metoo est passé par là, où le politiquement correct est de rigueur. Car nous sommes ici dans un produit 80’s pur jus, avec tout ce que cela implique de blagues douteuses, d’accents Michel Leeb, de femmes renvoyées au rang d’objets sexuels, de clichés douteux poussés à leur paroxysme, de cabotinage comme rarement vu ailleurs, le tout couplé à une alternance de blagues pipi caca et de gags misogynes ou homophobes. Les plus fragiles finiront par faire une extinction des feux et commenceront leur nuit à mi-film, les aventuriers resteront les yeux écarquillés devant le spectacle, les nostalgiques auront un sourire en coin tout du long.


Parce que c’est ça Tais-Toi Quand Tu Parles, c’est Aldo Maccione, certes dans un rêve, qui tamponne comme du bétail l’arrière train d’un troupeau de demoiselles en maillot de bain au bord d’une piscine et qui semblent aimer ça ; c’est Aldo Maccione qui met des mains au cul ; c’est Aldo Maccione qui fait semblant d’être gay façon La Cage aux Folles mais qui dit qu’il n’est pas « pédé » car il est « normal » ; c’est Aldo Maccione qui fait le cador avant de faire un match de tennis mais qui est obligé d’arrêter au premier échange car il prend une balle dans les parties sensibles ; c’est Philippe Clair (qui s’octroie un second rôle dans le film) qui joue un arabe avec un accent mi-juif mi-pied noir que n’aurait pas renié le Michel Leeb cité plus haut ; c’est une avalanche de quiproquos et de blagues bien grasses, vulgaires et/ou grivoises à tendance crétinoïde à un point qu’on verse sans cesse dans le nanar pur jus. Sous-couvert de jouer la carte de la parodie de James Bond (ça cite par exemple Opération Tonnerre, On Ne Vit que Deux Fois ou Moonraker), le film se permet toutes les imbécilités avec un réalisateur qui semble se dire que, plus c’est con, plus c’est bon, et qui ne semble pas avoir réellement de limite dans le mauvais gout. Ce n’est pas la technique qui va relever le niveau car bien que, à l’inverse de pas mal d’autres films de Philippe Clair, le scénario se tient (aussi mince qu’il soit), c’est quand même mis en scène un peu n’importe comment. Mais oui, bien que ce soit la nostalgie qui parle en ce qui me concerne, c’est tellement con que ça en devient bon. Et puis comment résister aux charmes d’Edwige Fenech…


Tais-Toi Quand Tu Parles, c’est la quintessence du cinéma de Philippe Clair, un monument de la décadence de la comédie franchouillarde, quelque part entre le mauvais goût et le très mauvais goût. Un navet pour les uns, du pur génie pour les autres. Un classique !


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-tais-toi-quand-tu-parles-de-philippe-clair-1981/

cherycok
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le 5 déc. 2024

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