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Difficile de savoir si l’actualité du mois passé a joué un rôle dans l’insuccès du nouveau film de Nicolas Saada. Programmé en catimini dans quelques salles françaises puis déprogrammé aussi sec, les français n’ont pu avoir l’occasion de se faire un avis sur ce film fin et jamais voyeuriste. Une chose regrettable, tant il ouvre la possibilité à tous d’étudier les images et de prendre du recul sur les accablants attentats nous ayant touchés. Chronique d’un des meilleurs films de cette année.


Ironiquement, les trois films traitant du Djihad ou d’attentats djihadistes ont eu leur sortie prévue ou repoussée pour les mois de novembre et décembre. Deux d’entre eux ont survécus à l’annulation : Les Cowboys de Thomas Bidegain et celui dont nous parlons ici, Taj Mahal. C’est probablement d’ailleurs l’époque à laquelle ces deux fictions se passent qui leur a évité le report de distribution en salles. Le premier se déroule dans les années 1990, quand le second se passe il y a sept ans, permettant un recul émotionnel, au contraire du Made in Paris de Nicolas Boukhrief, très ancré dans le présent. Les événements décrits dans le film de Nicolas Saada sont bien réels, s’étant déroulés à Bombay en novembre 2008, dans plusieurs lieux simultanés. Le récit se concentre sur une jeune femme de 18 ans, étudiante en photographie, qui voit son regard au monde bouleversé par une attaque qu’elle ne verra pourtant jamais vraiment. Enfermée dans sa chambre d’hôtel, elle tente de survivre, soutenue par les paroles de ses parents à l’extérieur du bâtiment. Définir Taj Mahal comme un thriller à huit-clos autocentré est pourtant une erreur, car il a justement cette qualité de ne jamais aller au dehors. Prostrée, Louise (Stacy Martin), plus que de se mettre à l’abri, essaie d’éviter tout contact avec un cauchemar dont elle refuse l’évidence. C’est donc le contrepied du Fils de Saul, qui désirait nous « immerger » dans un camp de la mort, quand Nicolas Saada réconforte et se concentre sur les visages et soi-même. Si il tombe parfois dans le piège de trop scénariser certaines scènes (celle du chargeur de téléphone) par une succession de mécanismes narratifs, il en est autrement quand il questionne directement notre rapport à l’image. Quand l’héroïne découvrira plus tard les images de surveillance de l’hôtel (seule incursion du réel dans la fiction), son regard s’affute, comme le nôtre, en face d’un événement impossible à appréhender de front.


En outre, Taj Mahal n’a pas d’ambition politique, mais résonne profondément en nous dans une époque troublée par la déshumanisation, virtuelle comme réelle. Contrairement à d’autres, il a cette intelligence de ne jamais offrir au spectateur la jouissance malsaine de voir « comment c’était », de ne jamais essayer de romancer l’impossible. Louise, qui désirait devenir photographe, se tournera finalement vers des études de cinéma, comme une volonté de recréer un monde bien à elle, où elle peut communiquer quand d’autres refusent d’en dire un mot. Une manière aussi de dire que le cinéma peut, et doit s’attaquer frontalement à ces questions de communication, tout en ayant la justesse de ne pas nous faire fantasmer. Le cinéma n’est pas une question de réalisme, mais une question d’appréhension de l’image, d’en saisir toute sa connotation. Taj Mahal est alors une vraie leçon sur l’image, quand la stabilité de celle-ci est entachée par un ''bug'', quelque chose qui nuit à sa lecture. Humaniste et didactique, il fait bon de voir un tel film en cette période morose.

Florian_Bodin
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le 21 déc. 2015

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Florian Bodin

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