A féliciter sans cesse la vitalité du cinéma sud-coréen, on en oublie souvent que comme partout ailleurs les réalisatrices y sont drastiquement sous-représentées. Pourtant le talent et les auteures sont bien là, comme le prouve ce premier long-métrage à la fois lumineux et lucide. La jeune Jeong Jae-Eun y tresse une chronique douce-amère de ces années de transition entre la fin des études et le début de la vie active, à travers les galères d'une bande d'amies.
Galères qui parleront à tout le monde, puisqu'on est tous passés par ces moments charnières où le monde du travail, les ambitions de chacun, les sautes d'humeur ou des aléas divers mettent à rude épreuve les groupes d'amis les plus soudés.
Rien de très original dans le fond, mais le récit d'une fluidité à toute épreuve parvient sans aucun mal à maintenir l'intérêt pendant près de deux heures. Dans un style très sobre qui semble voué à créer une empathie naturelle et sincère, la réalisatrice mobilise des personnages profondément attachants sur lesquels repose une grande partie du charme de Take care of my cat. L'essentiel du scénario gravite ainsi autour de l'électron libre Tae-Hee (Bae Doo Na dans son éternel rôle d'adulescente), pour laquelle le courant ne passe plus avec sa famille; Hae-Joo, qui miroite la réussite dans une grande entreprise mais reste cantonnée à des tâches de larbin; et Ji-Young, qui vit dans la misère à la recherche d'un premier job. Quant aux deux jumelles, qui semblent hors du temps et des préoccupations existentielles de leurs amies, elles jouent plus un rôle de ressort comique.
Le film donne en tous cas à voir suffisamment de facette différentes de la jeunesse coréenne, et a le mérite de s'écarter de la vision clinquante et spectaculaire que tente aujourd'hui de véhiculer le cinéma national. D'abord parce que l'action s'y déroule majoritairement dans la ville portuaire d'Inchon, loin des néons flashy de Séoul, mais aussi parce que Jeong Jae-Eun ose aussi montrer sans détour le revers du capitalisme coréen, ses laissés pour compte, et les doutes qu'il sème dans l'esprit de la jeunesse.
Même si Take care of my cat se conclut sur une note d'espoir, sur une possibilité d'ouverture, un portrait en forme de miroir aux alouettes apparait en filigrane, celui d'une société qui peine à garantir un avenir à ses jeunes. Voilà qui nous rend la Corée d'autant plus proche...
Pour autant, cette petite perle boudée en son temps par le public coréen n'a rien d'un tableau déprimant, puisqu'au contraire on parcourt le film avec un réel plaisir. Jeong Jae-Eun navigue à merveille entre humour, tendresse et gravité, entre nostalgie et mélancolie, bien secondée par des actrices épatantes et un chaton à croquer.