C'est avec Mud et son ambiance prenante unique que j'ai découvert Jeff Nichols. Puis j'ai tenté Take Shelter. Que j'ai arrêté au bout de 30mn, sans comprendre pourquoi.
Hier soir, j'ai regardé Midnight Special, que j'ai encore adoré (malgré une fin un peu abrupte). Alors j'ai voulu retenter Take Shelter. Que j'ai encore failli arrêter au bout de 30mn. Cette fois-ci en comprenant pourquoi et en me forçant à continuer.
Ce réalisateur a un talent unique pour les ambiances. Dans Take Shelter, il parvient à instiller une angoisse sourde à partir de détails, de regards, de silences. C'est vrai, il ne se passe pas grand-chose pendant le film. C'est même souvent assez lent. Et justement. C'est au fil de cette lenteur, de cette pesanteur que le réalisateur, et ses formidables acteurs, distillent goutte à goutte de l'angoisse pure. Pas celle qui t'agresse la gueule tout de suite. Non, celle qui te ronge petit à petit de l'intérieur, qui te tort les tripes, t'enfonce la tête sous l'eau et qui fait donc que tu passes tout le film en quasi-apnée, sans savoir pourquoi. Sans même ressentir de malaise vraiment désagréable ou glauque : les personnages sont attachants, on ne voit rien d'horrible, pas de jump scare... Non, juste des gouttes d'angoisse qui petit à petit traversent les pores de la peau, sans qu'on remarque rien.
On ressent viscéralement ce que traverse le personnage de Curtis, sa sensation d'urgence d'un côté, sa terreur de perdre la boule de l'autre. Le regard de sa femme. Les besoins de sa fille. L'incompréhension et le jugement (jamais trop lourdement abordé) de ses amis et collègues.
On ne parlera pas des dernières images, aussi magistrales qu'abruptes (encore !). Peut-être frustrantes ou peut-être parfaites.
Juste qu'en tant que sujette au trouble anxieux généralisé, je n'ai jamais reçu dans les tripes un tel film qui sait à ce point parler directement de ça.
Heureusement que la fin autorise à reprendre son souffle...