La critique dévoile la fin du film car il est impossible de l'analyser sans sa fin – à prendre en considération…
Seconde réalisation de *Jeff Nichols*, s'affranchissant des limites de budget ayant handicapé, dans une certaine mesure, **Shotgun Stories, Take Shelter** représente pour beaucoup la quintessence du cinéma de l'américain. Le cinéaste reste fidèle à ses thèmes, déjà abordés dans son premier film, notamment une révision de la violence inhérente au cinéma américain. Cette critique se voit dans les choix des personnages principaux, toujours des paysans/ouvriers des Grandes Plaines américaines, cherchant avant tout à se protéger de la violence extérieure à leurs petites vies simples. Ainsi, Curtis, psychotique s'il en est, se retrouve à se couvrir, littéralement, d'une violence venue du ciel, par un casque de chantier, un masque à oxygène, le toit de sa maison ou son abri anti-tornade. Ce que nous dit le personnage de Curtis, c'est que dès lors qu'un américain se rend compte des dangers potentiels planant sur son pays, il est aussitôt pointé du doigt par la communauté. Bienheureux sont les ignorants, ceux qui ne savent pas qu'une "tornade" métaphorique, peut s'abattre sur eux n'importe quand, et que le devin se doit d'être ridiculiser pour maintenir une paix fantasmée, baignant ainsi dans leurs pensées béotiennes. La femme de Curtis ne le laissera jamais tomber, pas le temps aux clichés de l'incompréhension de la famille envers celui-ci qui glisse vers la folie schizophrénique: des personnages absolument maîtrisés, attachants plus que tout.
Une réalisation sobre, qui n'est pas ce sur quoi il faut s'attarder devant un film de Jeff Nichols, tant le fond regorge de détails et d'interprétations...
Vient instinctivement en tête, la fin de Take Shelter, pour tous ceux qui y ont été confrontés, il est impossible de passer à côté, tant elle donne sens à tant de détails semés au long de l'intrigue... Cette tempête surgissant du fin fond de l'horizon, alors que Curtis semblait guéri, et que nous ne voyons en son repli qu'un passage psychotique, le film retourne complètement la tête de ses spectateurs... Curtis avait raison de se protéger, il avait raison de prévenir, au pays des fous, le sein d'esprit est sujet à délation... Tous voient en cette tempête la fin d'un monde, la catastrophe qui touche lorsque personne s'y attend, on la connaît tous.
Le 11 septembre, la crise de 2008, le film de Nichols questionne les USA sur leur toute puissance, complètement affabulée et imaginaire pour se conforter sur leur statut de numéro 1. Mais les USA ne sont surtout pas intouchables. Cette hyperpuissance est d'ailleurs de plus en plus remise en cause par la montée éclair de la Chine... Mais même à l'époque, ils furent attaqués sur leur territoire, et même sans l'avoir connu, ma génération sait tout de ce qui s'est passé lorsque deux Boeing percutèrent le symbole économique mondiale... c'est lorsqu'on s'y attend le moins que les saloperies nous tombe sur le coin de l’œil, dans le cas de Take Shelter, c'est une tempête magistrale et la violence des siens, sa femme, son chien, son meilleur ami... De nulle part tombent sur Curtis les pires atrocités, renvoyant toujours à la violence inhérente au pays, en y rajoutant la violence extérieure. De Take Shelter ressort les cicatrices d'une Amérique coincée entre isolationnisme (F.D. Roosvelt, G.W. Bush...) et interventionnisme (Obama, Nixon...) toujours questionnée sur sa superpuissance. La violence est partout, et Nichols semble encourager, dans son message pessimiste au possible, les américains à se réfugier sous terre, seul moyen de ne pas souffrir des pertes de ceux/ce qu'on aime. Le danger est partout, sous votre toit, dans le sourire de votre voisin, dans l'ombre de votre fille et dans le plus bleu des cieux.